DANIEL, LE PROPHÈTE (2)
CHAPITRE 2
La vision du roi Nebucadnetsar (v. 1-16)
La prière de Daniel (v. 17-23)
« Un Dieu …qui révèle les secrets » (v. 24-30)
La vision de la statue et son interprétation (v. 31-45)
Nebucadnetsar reconnaît Dieu (v. 46-49)
Le sujet de la première partie de ce livre commence de fait avec ce chapitre. Le premier est une introduction donnant, pour ainsi dire, la situation et présentant les différents acteurs des événements qui vont suivre, ainsi que leurs positions relatives, tandis que derrière tout cela Dieu est clairement révélé comme accomplissant toutes choses selon le conseil de sa volonté. Quelque puissant que l'homme puisse paraître, comme par exemple Nebucadnetsar dans sa domination, souvenons-nous que Dieu n'abandonne jamais les rênes du gouvernement. Il peut contrôler directement ou indirectement, mais Il n'en contrôle pas moins les événements les plus petits comme les plus grands qui surviennent sur la terre.
La vision du roi Nebucadnetsar (v. 1-16)
Ce ne fut nullement par hasard que Nebucadnetsar « songea des songes » en la seconde année de son règne ; « son esprit fut agité, et son sommeil le quitta » (v. 1). Rappelons que la même chose était arrivée au Pharaon et qu'elle avait servi à introduire Joseph devant le roi pour le secourir. Cela avait été le moyen dans la main de Dieu de l'établir gouverneur sur tout le pays d'Egypte. Il devint ainsi un type, et non le moindre, du rejet et de l'exaltation de Christ dans sa gloire terrestre. De même, les songes de Nebucadnetsar ont été l'occasion de l'introduction de Daniel devant le roi et de son élévation comme gouverneur sur toute la province de Babylone.
Mais l'homme doit généralement être amené au bout de ses propres ressources avant de consentir à se tourner vers Dieu pour obtenir aide et direction. Le roi avait déjà constaté par lui-même que dans toutes les choses qui réclamaient de la sagesse et de l'intelligence, les quatre jeunes gens étaient dix fois supérieurs à tous les devins et enchanteurs qui étaient dans tout son royaume. Pourtant, dans sa perplexité, il ne se tourne pas vers eux pour trouver aide et conseil. Nous lisons en effet que « le roi commanda d'appeler les devins, et les enchanteurs, et les magiciens, et les Chaldéens, pour exposer au roi ses songes ; et ils vinrent et se tinrent devant le roi » (v. 2). Tous les sages de son royaume, des hommes ayant des connaissances et de l'expérience, tous les philosophes et hommes de science de l'époque, furent ainsi assemblés pour entendre le commandement de Nebucadnetsar. On éprouverait de la pitié à voir ces sages soumis à une telle épreuve si l'on ne se souvenait pas que les maîtres en sciences occultes de cette époque prétendaient pouvoir révéler les secrets et pénétrer dans des régions cachées aux yeux des mortels. Or, toute l'affaire était voulue de Dieu pour réduire à néant, devant ce monarque absolu, la sagesse des sages, pour les prendre à leur propre ruse et pour jeter le mépris sur tout l'orgueil de l'homme. Ils répondirent : « Dis le songe à tes serviteurs, et nous en indiquerons l'interprétation » (v. 4).
Il était relativement facile de donner une interprétation qui, si elle concernait des événements futurs, ne serait peut-être pas mise en question, car jusqu'au moment de sa réalisation, personne ne pourrait dire si elle était vraie ou fausse. Le propos de Dieu, d'exposer la vanité de la perspicacité et de la science auxquelles ils prétendaient, n'aurait alors pas été accompli. Le roi ne voulut pas se laisser convaincre par leur réponse. Après avoir été pressés tour à tour par des promesses de récompenses et par des menaces, ils furent amenés à confesser : « Il n'existe pas un homme sur la terre qui puisse indiquer la chose que le roi demande ; c'est pourquoi aucun roi, quelque grand et puissant qu'il fût, n'a demandé chose pareille d'aucun devin, ou enchanteur, ou Chaldéen ; et la chose que le roi demande est difficile, et il n'existe personne qui puisse l'indiquer devant le roi, excepté les dieux, dont la demeure n'est pas avec la chair » (v. 10- 11).
Le cas était ainsi tranché, et les sages eux-mêmes furent contraints d'avouer, en termes non équivoques, leur incapacité à révéler le secret du roi, et de déclarer en même temps que la connaissance requise d'eux était absolument en dehors du domaine de l'homme ; seuls « les dieux » la possédaient. Venant de l'homme, la réponse n'était pas si déraisonnable ; mais Nebucadnetsar, en monarque absolu et impérieux, ne pouvait tolérer que ses désirs ne soient pas réalisés. Dans sa fureur, il commanda de détruire tous les sages de Babylone. « Un décret fut promulgué portant que les sages fussent tués ; et on chercha Daniel et ses compagnons, pour les tuer » (v. 13).
L'extrémité de l'homme est l'occasion pour Dieu de montrer sa puissance. Daniel n'avait pas été convoqué devant le roi avec les astrologues ; mais étant compté au nombre des sages dans l'opinion publique, il était soumis au décret du roi. Il fut ainsi mis en contact avec l'officier chargé de son exécution. C'était le propos de Dieu d'amener son témoin, Daniel, devant Nebucadnetsar. L'agitation de l'esprit du roi par son songe, ainsi que sa colère face à l'incapacité de ses sages de le lui révéler, n'étaient que des moyens pour accomplir ce propos.
En apprenant par Arioc la cause de la colère du roi et du décret qui avait été promulgué, « Daniel entra et demanda au roi de lui accorder du temps pour indiquer au roi l'interprétation » (v. 16). On peut se demander ce qui amenait Daniel à supposer que ce secret lui serait communiqué ? La réponse est simple : sa confiance était en Dieu. Il savait que Sa gloire était engagée dans cette affaire, ainsi que la sécurité de ceux qui, par sa grâce, avaient maintenu leur foi et leur espérance en Lui au milieu de toutes les séductions de la cour de Babylone. Le Dieu des cieux ne manquerait donc pas d'intervenir en leur faveur à l'heure du danger. C'était certes un moment crucial - un moment où toute la sagesse du monde avait confessé son échec. Si donc Daniel pouvait révéler le secret du roi, Dieu serait publiquement magnifié devant tout le royaume.
La prière de Daniel (v. 17-23)
Daniel s'en alla dans sa maison et « fit connaître la chose à Hanania, Mishaël et Azaria, ses compagnons, pour implorer, de la part du Dieu des cieux, ses compassions au sujet de ce secret, afin que Daniel et ses compagnons ne fussent pas détruits avec le reste des sages de Babylone » (v. 17-18). Comptant sur Dieu, Daniel associait ses compagnons à ses supplications. C'est un des rares exemples de prière en commun rapporté dans l'Ancien Testament. Le fait que ces enfants de la captivité y eurent recours, nous découvre le secret de leur marche dans la sainteté et la séparation. La dépendance de Dieu dans le secret est la clé de toute puissance dans la vie et dans le témoignage. Elle est aussi la clé du courage en présence de l'homme et de la puissance de Satan. Admirons ces quatre jeunes gens, sur leurs genoux devant le Dieu des cieux en un tel moment. Ils n'étaient que des étrangers dans un pays étranger, expatriés à cause des péchés de leur nation, condamnés maintenant à une mort rapide, à moins que le songe oublié ne pût être retrouvé et interprété. Mais ils savaient à qui ils avaient affaire : Celui qui, dans leurs Ecritures, avait dit : « Invoque-moi au jour de la détresse : je te délivrerai, et tu me glorifieras » (Ps. 50 : 15) ; aussi l'implorèrent-ils « au sujet de ce secret ». Et leur confiance ne fut pas vaine : Dieu entendit leur cri et le secret fut révélé à Daniel dans une vision de la nuit (v. 19).
On remarquera qu'ils implorent le Dieu des cieux. En Israël, Il était connu comme le Seigneur de toute la terre (Ex. 8 : 22 ; Jos. 3 : 11 ; 2 Rois 5 : 15), car de fait Il demeurait et avait son trône au milieu de son peuple. Mais maintenant, il en était autrement ; car il avait ôté son trône de Jérusalem et confié la direction souveraine de la terre à Nebucadnetsar (v. 37-38) ; aussi était-ce dans une vraie connaissance de leur position propre en relation avec Dieu que les quatre jeunes gens s'adressèrent à Lui comme au Dieu des cieux. Le temps vient où une fois encore Il reprendra le titre de Dieu de la terre et ce sont ses droits comme tel qui formeront le sujet du témoignage des deux témoins dans le livre de l'Apocalypse (Apoc. 11 : 3-4).
Daniel eut le cœur rempli de reconnaissance pour la révélation qui lui fut faite du secret du roi. Le caractère de sa piété, l'état de son âme, sont manifestés en ce qu'il se tourna immédiatement vers Dieu dans la reconnaissance et la louange. Lorsque des bénédictions sont communiquées, il y a souvent la tendance à en jouir immédiatement plutôt que de les faire remonter, comme Daniel le fit, au cœur de Dieu. Au verset 19, nous avons la constatation générale qu'il bénit Dieu, puis dans les versets 20 à 23, nous trouvons les termes exacts dans lesquels il exprima sa reconnaissance. Il bénit d'abord le nom de Dieu. Il désire que la louange qu'il offre soit éternelle, « d'éternité en éternité », comme étant due à Celui qui s'était plu à se révéler à son peuple. Il donne ensuite une raison : « la sagesse et la puissance sont à lui ». Déclaration simple, mais combien profonde ! Si la sagesse et la puissance sont à Dieu (comp. Apoc. 5 : 12), elles ne se trouvent nulle part ailleurs ; il est donc vain de les y chercher. Puis il attribue à Dieu la souveraineté universelle. « C'est lui qui change les temps et les saisons, qui dépose les rois et établit les rois » (v. 21). Les puissants de la terre peuvent prétendre exercer le pouvoir absolu ; les hommes, par la force des armes ou même par des mouvements politiques, peuvent déposer des monarques et établir des gouvernements ; mais ni la puissance ni la sagesse ne sont à eux - ils ne sont que des instruments aveugles de la volonté divine.
Une fois que nous reconnaissons la souveraineté de Dieu comme Daniel -quel que soit le caractère des temps dans lesquels nous vivons ou l'aspect menaçant des affaires publiques -, nous pouvons nous reposer dans une paix parfaite. Nous savons, comme Nebucadnetsar dut le confesser, que Dieu « agit selon son bon plaisir dans l'armée des cieux et parmi les habitants de la terre » (4 : 35). Plus encore, Daniel dit qu’Il « donne la sagesse aux sages et la connaissance à ceux qui connaissent l'intelligence ». Ce principe, qu'il faut un certain état d'âme pour recevoir de Dieu, est affirmé partout. Ainsi l'apôtre priait que les Colossiens soient remplis de la connaissance de la volonté de Dieu, en toute sagesse et intelligence spirituelle (Col. 1 : 9). De même, nous apprenons par ces paroles de Daniel, qu'être sage selon les pensées de Dieu – « la crainte de l'Eternel est le commencement de la sagesse » (Ps. 111 : 10) - est la condition pour recevoir la sagesse. « A celui qui a, il sera donné » (Matt. 13 : 12) ; c'est ce que Daniel confesse : « C'est Lui qui révèle les choses profondes et secrètes ; Il sait ce qui est dans les ténèbres, et la lumière demeure auprès de Lui » (v. 22). Il est un Dieu omniscient (Ps. 139) ; « tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous avons affaire » (Héb. 4 : 13).
Après avoir célébré Dieu pour ce qu'Il est, dans sa sagesse, sa puissance et sa souveraineté, Daniel exprime sa reconnaissance pour la grâce particulière dont il avait été l'objet. Et pour cela, il passe de l'appellation « Dieu des cieux » au titre plus intime de « Dieu de mes pères » ; le Dieu que ses pères avaient connu et qui les avait secourus dans toutes leurs détresses, est Celui qui était apparu en sa faveur ; aussi il Le célèbre et Le loue comme étant Celui qui lui avait maintenant donné « sagesse et puissance ». Il est enfin très beau de souligner comment il s'associe ses compagnons : « Tu m'as fait connaître ce que nous t'avons demandé, nous ayant fait connaître la chose que réclame le roi » (v. 23). Ils avaient cherché ensemble l'aide de leur Dieu ; Daniel, dans une pleine identification avec ses frères, reconnaît que la réponse qu'ils avaient reçue était la réponse de Dieu à leur cri commun.
« Un Dieu …qui révèle les secrets » (v. 24-30)
Aussitôt, « Daniel entra auprès d'Arioc, que le roi avait établi pour détruire les sages de Babylone ; il alla, et lui parla ainsi : Ne détruis pas les sages de Babylone ; conduis-moi devant le roi, et j'indiquerai au roi l'interprétation » (v. 24). Arioc accède « en hâte » à la requête de Daniel et « le roi répondit et dit à Daniel, dont le nom était Belteshatsar : Peux-tu me faire connaître le songe que j'ai vu et son interprétation ? » (v. 25). La réponse de Daniel se divise en trois parties ; d'abord l'explication de la source et de l'objet de la révélation du secret, puis le songe lui-même, et enfin son interprétation.
Daniel commence donc, en communion évidente avec la pensée de Dieu, par déclarer l'impuissance de la sagesse humaine, en accord avec les paroles d'un autre prophète : « Je détruirai la sagesse des sages et j'annulerai l'intelligence des intelligents » (Es. 29 : 14 ; 1 Cor. 1 : 19). Conduit par le Saint Esprit, Daniel inscrit ainsi la sentence de mort sur la sagesse du monde ; puis il continue en déclarant la source de la vision : « Il y a un Dieu dans les cieux qui révèle les secrets » (v. 28). C'était le Dieu de Daniel qui se plaît à l'exalter en présence de ce roi absolu et idolâtre. Il annonce ensuite l'objet du songe à l'égard de Nebucadnetsar ; c'était pour lui donner à connaître ce qui arrivera à la fin des jours (v. 29). Enfin il rejette tout mérite de sa part ; il n'était qu'un instrument. Dieu, en révélant le songe, avait en vue son peuple, le résidu fidèle auquel Daniel appartenait. Il voulait aussi que le roi connaisse les pensées de son cœur. Daniel se maintenait ainsi à l'arrière-plan - signe certain qu'il était normalement prêt à rendre témoignage pour Dieu. Plus nous sommes près de Dieu, plus nous nous perdons nous-mêmes de vue, et mieux nous sommes en mesure de comprendre et de communiquer Sa pensée.
La vision de la statue et son interprétation (v. 31-45)
Après avoir expliqué au roi la source et l'objet de la révélation de son secret, Daniel se mit à rappeler le songe et à en donner l'interprétation. Le langage dont il se servit pour décrire le songe était à la fois simple et élevé. « Toi, ô roi, tu voyais, et voici une grande statue : cette statue était grande, et sa splendeur, extraordinaire ; elle se tint devant toi, et son aspect était terrible » (v. 31). Nous verrons les détails en considérant l'interprétation ; mais on peut remarquer d'emblée que si la statue représente le temps des Gentils, depuis les jours de Nebucadnetsar jusqu'à l'établissement du royaume de Christ, c'est néanmoins une seule statue et la statue d'un homme. Comme un autre l'a remarqué d'une manière frappante, c'est ainsi une représentation de « l'homme qui est de la terre » (voir Ps. 10 : 18) - l'homme qui est de la terre dans toutes les phases variées de son cœur corrompu et de sa volonté sans frein. L'homme, en fait, n'est jamais complètement connu avant que toute restriction lui soit ôtée et qu'il ait la liberté aussi bien que le désir de satisfaire ses propres convoitises (voir 2 Thes. 2 : 6-12). La statue, tout en étant une image complète, est néanmoins divisée, quant à son composition, en quatre parties : la tête d'or pur ; la poitrine et les bras d'argent ; le ventre et les cuisses, d'airain ; les jambes, de fer ; les pieds, en partie de fer et en partie d'argile. Il y a donc une détérioration en allant de la tête jusqu'aux pieds, comme l'indique l'emploi figuratif des différents métaux. Finalement la statue fut frappée par une pierre qui « se détacha sans mains » et toutes ses parties furent broyées ensemble, « et ils devinrent comme la balle de l'aire d'été ; et le vent les emporta, et il ne se trouva aucun lieu pour eux ; et la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne qui remplit toute la terre » (v. 34-35).
L'interprétation suit. La tête d'or était Nebucadnetsar (v. 38). De tous les royaumes qui doivent remplir l'intervalle entre la destruction de Jérusalem et la période de l'établissement de la domination éternelle du Fils de l'homme, celui de Babylone est le plus élevé. La raison en est donnée ici. Le royaume de Nebucadnetsar était un don direct de Dieu. Daniel le dit : « Toi, ô roi, tu es le roi des rois, auquel le Dieu des cieux a donné le royaume, la puissance, et la force, et la gloire » (v. 37). Cela ne pouvait être dit d'aucun des trois empires suivants. Ils entrent en scène d'une manière providentielle, comme « autorisés » à le faire par Dieu, pour le gouvernement de la terre et selon ce qu'Il a disposé ; mais leurs chefs respectifs n'étaient en aucun cas les dépositaires directs de la puissance, comme l'était Nebucadnetsar. Il était dans ce sens extérieurement le plus proche de Dieu, et sa responsabilité en était d'autant plus grande !
Le caractère de ce royaume, tel qu'il est décrit par Daniel, était remarquable. Nebucadnetsar était le roi des rois - le monarque suprême, par décret de Dieu, sur tous les rois de la terre. Dieu lui avait donné « le royaume, la puissance, et la force, et la gloire » - autant de termes accentuant la majesté et l'excellence de sa position et de sa domination. Et son autorité n'était pas limitée aux hommes ; car « partout où habitent les fils des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux des cieux, il les a mis entre tes mains et t'a fait dominer sur eux tous » (v. 38). On a parfois comparé la place occupée par Adam comme chef de cette création et celle donnée ici au roi de Babylone, et il a été dit à juste titre : « C'est une domination qui, bien que plus limitée, porte quelques traits de celle d'Adam, différent de celle-ci en ce que les hommes lui sont assujettis ; elle est plus limitée (car la mer n'est pas comprise dans les limites de sa souveraineté). Mais elle s'étend partout où les bêtes des champs et les oiseaux peuvent se trouver ». Si l'on prend ces divers traits en considération, on comprend facilement que Nebucadnetsar soit présenté comme la tête d'or. On remarquera que ce n'est pas seulement Nebucadnetsar personnellement qui est figuré par la tête d'or, car les successeurs de sa propre lignée jusqu'à Belshatsar sont inclus.
Les deux royaumes suivants, désignés par l'argent et l'airain, sont à peine mentionnés dans l'interprétation ; mais dans une autre partie de ce livre, ils sont clairement indiqués comme étant les royaumes médo-perse et grec (8 : 20- 21). Le quatrième royaume est décrit avec plus de détails. Il n'y a heureusement aucune difficulté à l'identifier et tous ceux qui se sont penchés sur la prophétie s'accordent à voir en lui l'empire de Rome. Les quatre royaumes sont donc : Babylone, la Perse, la Grèce et Rome ; comme nous le verrons, ils doivent couvrir toute la période des temps des nations.
Considérons brièvement les caractères du quatrième royaume tels qu'ils nous sont donnés par Daniel. Il convient d’abord d'indiquer sa durée : il s'étend manifestement jusqu'à l'établissement du royaume de Christ (v. 44) ; pour le comprendre, nous consulterons d'autres passages des Ecritures. Historiquement l'empire romain succède à l'empire grec ; « fort comme le fer », il broya et écrasa tout. Sa puissance à l'époque paraissait irrésistible et il établit sa domination sur la plus grande partie du monde alors connu. Tout cela relève de l'histoire, mais la question se pose : Si cet empire romain doit exister à la veille de l'apparition de Christ, où est-il maintenant et d'où doit-il émerger à nouveau ? C'est dans le livre de l'Apocalypse que nous trouvons la réponse à cette question.
Il n'est que trop évident que la forme extérieure de ce royaume a disparu ; pour les yeux humains, en fait il n'existe plus. Aux yeux de Dieu, il n'est que caché momentanément et attend de resurgir et d’étonner le monde par sa réapparition. Ainsi l'ange dit à Jean, dans son interprétation du « mystère de la femme et de la Bête qui la porte, qui a les sept têtes et les dix cornes... Les sept têtes sont sept montagnes, là où la femme est assise ; ce sont aussi sept rois : cinq sont tombés, l'un est, l'autre n'est pas encore venu et, quand il sera venu, il faut qu'il demeure pour peu de temps. La Bête qui était et qui n'est pas, est elle aussi un huitième, et elle fait partie des sept, et elle s'en va à la perdition » (Apoc. 17 : 7-11). Et plus précisément encore : « La Bête que tu as vue était, et n'est pas et va monter de l'abîme, puis aller à la perdition ; ceux qui habitent sur la terre, dont les noms ne sont pas écrits dès la fondation du monde dans le livre de vie, s'étonneront, en voyant la Bête, de ce qu'elle était, et n'est pas, et sera présente » (v. 8). Ces passages enseignent deux choses : la « Bête » est considérée comme la continuation de celle qui existait précédemment ; tout en faisant « partie des sept », elle réapparaît après un intervalle de non-existence apparente. Eh bien ! cette « Bête » représente la tête de l'empire romain ressuscité aux derniers jours ; son origine, ses caractéristiques, comme aussi la source de son trône et de son autorité, sont décrites en Apocalypse 13 : 1-8. Si l'on compare le verset 2 de ce passage avec Daniel 7 : 3-6, on comprend que cette bête est le successeur des trois royaumes précédents ; comme tel, elle réunit tous leurs traits moraux décrits sous les symboles du léopard, du lion et de l'ours.
Ainsi le quatrième royaume, le royaume qui était au pouvoir lorsque notre Seigneur était ici-bas sur la terre, et par l'autorité duquel, dans la personne de Pilate, Il fut condamné à être crucifié, est celui qui sera une fois rétabli et qui durera jusqu'à ce qu'il soit frappé par la pierre qui se détachera « sans mains ».
Daniel attire l'attention sur une source de faiblesse en ce qui, par ailleurs, était « fort comme le fer » : « Et selon que tu as vu les pieds et les orteils en partie d'argile de potier et en partie de fer, le royaume sera divisé ; et il y aura en lui de la dureté du fer, selon que tu as vu le fer mêlé avec de l'argile grasse ; et quant à ce que les orteils des pieds étaient en partie de fer et en partie d'argile, le royaume sera en partie fort et sera en partie fragile. Et selon que tu as vu le fer mêlé avec de l'argile grasse, ils se mêleront à la semence des hommes, mais ils n'adhéreront pas l'un à l'autre, de même que le fer ne se mêle pas avec l'argile » (v. 41-43). Nous ne voyons aucune raison de mettre en doute l'interprétation très répandue selon laquelle l'argile représente le mélange des formes populaires, « démocratiques », avec le gouvernement absolu, la combinaison de l'absolutisme avec la volonté populaire qui, comme il s'agit d'éléments hétérogènes, ne peut jamais être tout à fait soudée ensemble et doit, dans la tentative même de l'union, devenir une source de faiblesse.
Les dix orteils sont aussi symboliques ; on peut le voir au chapitre 7 ainsi qu'en Apocalypse 17. Mais comme l'explication n'en est pas donnée ici, nous laisserons ce sujet jusqu'à ce que nous arrivions au chapitre 7, nous bornant à remarquer qu'ils suggèrent les dix royaumes qui, fédérés sous une seule tête impériale, constituent la forme finale de l'empire romain.
On comprendra maintenant que cette statue donne une esquisse des diverses formes de la puissance mondiale, depuis les jours de Nebucadnetsar jusqu'au moment où le Seigneur viendra pour établir sa souveraineté sur toute la terre et régner pour toujours. C'est ainsi que le plan de l'histoire de ce monde, jusqu'à la fin, se trouve, découvert, devant les yeux de Dieu. Les hommes peuvent s'agiter, comploter, former et renverser des gouvernements ; ils pensent y parvenir par leur propre puissance et selon leur propre volonté, mais la prophétie enseigne qu'ils ne peuvent agir que dans les limites de la volonté divine pour l'accomplissement du propos de Dieu. Nous voyons en outre que les gouvernements humains, malgré les efforts d'hommes parfois sincères mais abusés, doivent se détériorer jusqu'à ce qu'enfin, comme cela est nettement dit dans l'Apocalypse, Satan soit la source et le soutien de la dernière forme de gouvernement terrestre. Il convient donc lorsque, conduits par l'Esprit de Dieu, nous considérons l'avenir, de chercher à garder, par grâce, une position de séparation en dehors de toutes les alarmes et de toutes les confusions du monde, en attendant le retour du Seigneur.
Nous apprenons ensuite que « dans les jours de ces rois, le Dieu des cieux établira un royaume qui ne sera jamais détruit ; et ce royaume ne passera point à un autre peuple ; il broiera et détruira tous ces royaumes, mais lui, il subsistera à toujours » (v. 44). Comme Daniel le dit expressément, nous avons là l'explication de la pierre qui s'est détachée sans mains de la montagne, a frappé la statue dans ses pieds et les a broyés. L'expression « dans les jours de ces rois » est à relever, spécialement comme faisant suite au verset 43 : elle correspond au fait, énoncé formellement ailleurs, que le dernier des quatre royaumes sera subdivisé en dix royaumes. Cela indique aussi le temps où le Dieu des cieux établira un royaume qui, après avoir détruit l'empire romain sous sa dernière forme, se substituera à lui. Ce royaume, établi du haut des cieux, est le royaume de Christ (voir Dan. 7 : 1-14). Son premier acte sera de broyer la statue, puis, une fois formellement établi en puissance par Christ Lui-même, il s'agrandira jusqu'à ce qu'il remplisse toute la terre ; il n'aura pas de successeur, car il subsistera à toujours.
En concluant son interprétation, Daniel ajouta deux choses. D'abord il répéta que le grand Dieu avait fait connaître au roi ce qui arriverait ci-après. Ensuite, il affirme la certitude tant du songe que de son interprétation. Comme il convenait à un messager divin, il avait confiance en la véracité de son message. C'est précisément en ce point particulier qu'une révélation de Dieu diffère de ce qui vient de l'homme. Tout ce qui est en dehors de la Bible, tout ce qui se permet d'entrer en compétition avec elle et s'offre aux oreilles des hommes, n'est qu'une « mer », une masse informe, d'opinions et de raisonnements. Pour l'âme fatiguée par sa recherche d'un fondement stable sur lequel se reposer en vue de la mort et de l'éternité, combien est bienvenue la base immuable posée pour la foi dans les Ecritures qui sont infaillibles. Le message de Daniel concernait le temps seulement - bien qu'il allât jusqu'à la fin de toutes les voies de Dieu en gouvernement sur la terre. Il pouvait annoncer avec autorité que ce que Dieu avait fait connaître s'accomplirait sûrement.
Nebucadnetsar reconnaît Dieu (v. 46-49)
Tout idolâtre qu'il fût, le roi fut contraint de reconnaître la puissance de la Parole. Il « tomba sur sa face et se prosterna devant Daniel, et commanda de lui présenter une offrande et des parfums. Le roi répondit et dit à Daniel : En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et le révélateur des secrets, puisque tu as pu révéler ce secret » (v. 46-47). Il n'y avait pas moyen pour le roi d'échapper à cette conclusion. Lui seul avait eu le songe, et l'ayant eu, lui seul pouvait reconnaître le bien-fondé de la déclaration qu'avait faite Daniel : Dieu était le révélateur des secrets. Aussi, lorsque son secret est révélé, la conclusion que le Dieu de Daniel est au-dessus de tous les dieux s'impose à lui. La confession était en fait remarquable, en ce qu'elle admettait la suprématie de Dieu dans les cieux et sur la terre et aussi son omniscience. Malgré tout, ni la conscience ni le cœur de Nebucadnetsar ne semblent avoir été touchés. Ce n'était que son esprit qui s'inclinait devant l'évidence même des faits, exactement comme pour ceux qui, aux jours de notre Seigneur, crurent en son nom lorsqu'ils virent les miracles qu'il faisait (Jean 2 : 23). Le fait qu'il rende hommage à Daniel et qu'il commande qu'une offrande lui soit présentée, comme aussi sa conduite dans la suite, en est la preuve ; quand bien même, sur le moment, il proclama en la présence de ses grands la souveraineté du Dieu de Daniel dans les cieux et sur la terre.
Enfin, Nebucadnetsar « éleva Daniel en dignité, et lui fit beaucoup de grands dons, et l'établit gouverneur sur toute la province de Babylone, et grand intendant de tous les sages de Babylone » (v. 48). Comme le Pharaon, le roi sentait qu'un homme « en qui est l'esprit des dieux » (Gen. 41 : 38) serait une aide précieuse dans le gouvernement ; aussi l'entoura-t-il de grands honneurs. Daniel n'avait ni recherché ni demandé quoi que ce soit pour lui-même ; mais maintenant qu'il était haut placé, il « fit une demande au roi, qui établit Shadrac, Méshac et Abed-Nego sur les services de la province de Babylone. Et Daniel se tenait à la porte du roi » (v. 49).
C'est ainsi que Dieu sauva ses serviteurs alors que la sentence de mort avait été prononcée contre eux. Accomplissant ses propres desseins en témoignage et en bénédiction, Il les amène dans la pleine lumière du jour. Ils étaient de la captivité de Juda ; mais maintenant ils sont appelés à occuper les places les plus en vue à Babylone. Le roi les éleva au-dessus de tous ses courtisans et nobles dans la direction des affaires publiques, tandis que Daniel lui-même était dans une position plus élevée encore, puisqu'il « se tenait à la porte du roi ».
D'après E. Dennett
A suivre