Le sermon sur la montagne (13)
L'œil simple et l'œil méchant (Matt. 6 : 22-23)
« La lampe du corps, c'est l'œil » (v. 22). Dans les versets précédents (v. 19-21), le Seigneur Jésus avait parlé de deux sortes de trésors auxquels le cœur humain peut s'attacher. Ici, dans les versets 22 et 23, il parle de deux états du cœur de l'homme. Pour cela, il se sert de l'image de l'œil, qu'il compare à une lampe.
La similitude entre la lampe et l'œil réside dans le fait que le bon fonctionnement de l'un et de l'autre permet aux hommes de voir clairement ce qui les entoure. Une bonne lampe éclaire bien et un œil sain permet de bien voir. Inversement, une mauvaise lampe donne une faible lumière, et celui dont les yeux sont malades, ou même aveugles, voit mal, ou ne voit rien du tout, au grand détriment de tout son corps. Telle est la première signification de cette parole du Seigneur : « La lampe du corps, c'est l'œil ».
Cependant, le Seigneur Jésus ne donne pas ici à ses disciples un enseignement sur l'œil de l'homme, mais sur son cœur, dont il a déjà parlé au verset 21 : « Car là où est ton trésor, là sera aussi ton cœur ». Dans la Bible, l'œil est souvent l'image de l'état intérieur de l'homme. La Parole de Dieu parle des yeux hautains (Ps. 18 : 27 ; 101 : 5), des yeux aveuglés (1 Jean 2 : 11), des yeux dépourvus de crainte de Dieu (Ps. 36 : 1), de l'œil méchant (Matt. 20 : 15 ; Marc 7 : 22), de l'œil qui n'est pas rassasié par la richesse (Ecc. 4 : 8), mais aussi des yeux illuminés (Ps. 19 : 8) et de l'œil bienveillant (Prov. 22 : 9). L'œil ne reçoit pas seulement des impressions de l'extérieur, mais il reflète aussi, et souvent de manière très explicite, l'état du cœur. Voici quelques passages qui mettent en évidence cette relation entre le cœur et l'œil : « Celui qui a les yeux hautains et le cœur orgueilleux, je ne le supporterai pas » (Ps. 101 : 5) ; « Eternel ! mon cœur n'est pas hautain, et mes yeux ne s'élèvent pas » (Ps. 131 : 1) ; « l'élévation des yeux et un cœur qui s'enfle, la lampe des méchants, c'est péché » (Prov. 21 : 4). L'œil est donc considéré ici comme le miroir et l'expression du cœur de l'homme.
Le cœur simple
« Si donc ton œil est en bon état, ton corps tout entier sera plein de lumière » (v. 22). L’expression « en bon état » - littéralement : « simple » - signifie « droit, sincère, sans duplicité ». Dans le Nouveau Testament, ce terme n'apparaît que dans notre passage et dans le passage parallèle de Luc 11 : 34-36. En revanche, nous rencontrons souvent le substantif qui lui correspond : « simplicité ». En Ephésiens 6 : 5 et en Colossiens 3 : 22, il est parlé de simplicité de cœur, et en 2 Corinthiens 1 : 12 ; 11 : 3, de la simplicité à l'égard de Dieu et de Christ. Ces passages donnent la signification de ces deux termes « simple » et « simplicité ». Un cœur simple et pur est caractérisé par l'amour et la confiance, et il ne tolère pas qu'un péché, ou même qu'une seule pensée de doute ou de méchanceté vienne troubler nos rapports avec notre Seigneur et avec notre Dieu et Père. Lorsque notre vue est bonne, notre corps tout entier en bénéficie, et quand notre cœur est simple à l'égard de Christ, notre vie spirituelle est pleine de lumière. Cette lumière vient de Dieu. Elle aide le plus jeune croyant à comprendre la Parole de Dieu et à la mettre en pratique dans sa vie. Elle nous éclaire pour discerner le chemin qui plaît à Dieu, et nous donne la force pour y avancer pas à pas. Dans les difficultés de la vie, qui n'épargnent aucun disciple du Seigneur, elle nous aide à reconnaître Sa direction et Sa main. Le Seigneur accordera cette lumière divine à chacun de ses disciples qui a le désir sincère de le suivre fidèlement, et dont le cœur est rempli « de la simplicité à l’égard de Christ » (2 Cor. 11 : 3).
Dans sa prière pour les Ephésiens, l'apôtre Paul pensait certainement à la simplicité de cœur, lorsqu'il dit : « les yeux de votre cœur étant éclairés, pour que vous sachiez quelle est l'espérance de son appel, et quelles sont les richesses de la gloire de son héritage dans les saints » (Eph. 1 : 18).
Nous trouvons aussi cette simplicité de cœur en 2 Corinthiens 8 et 9, lorsque Paul exhorte ses lecteurs à la bienfaisance. Dans ce passage, le mot « libéralité » - littéralement « simplicité » - est utilisé trois fois (8 : 2 ; 9 : 11, 13). Cela ne jette-t-il pas une lumière particulière sur notre chapitre, où les disciples sont mis en garde contre le désir d'amasser des trésors terrestres et encouragés à mettre leur confiance dans leur Père céleste ?
Le cœur mauvais
« Mais si ton œil est en mauvais état, ton corps tout entier sera ténébreux ; si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles grandes ténèbres ! » (v. 23). Ces paroles nous rappellent le verset déjà cité de Proverbes 21 : 4, où il est dit que l'élévation des yeux et un cœur qui s'enfle sont « la lampe » des méchants, c'est-à-dire des pécheurs. Quel pitoyable sort lorsqu'un homme en est réduit à voir son entourage avec cet éclairage !
A d’autres occasions, le Seigneur Jésus emploie également l'expression « œil méchant » (voir Matt. 20 : 15 ; Marc 7 : 22). Dans ces passages, l'œil méchant est la preuve évidente d'un cœur envieux et malveillant. Hélas, si notre cœur est rempli d'envie, d'orgueil ou d'autres choses mauvaises, alors notre vie tout entière est obscurcie. Non seulement nous nous privons nous-mêmes de toute vraie joie dans le Seigneur, mais nous perdons aussi la capacité d'avoir un sain jugement de nous-mêmes ou de notre entourage. C'est la signification de ces paroles imagées : « Mais si ton œil est en mauvais état, ton corps tout entier sera ténébreux ».
« Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles grandes ténèbres ! » (v. 23). Tout disciple né de nouveau a reçu de Dieu la lumière de la vie. Cette lumière éclaire sa propre vie, et elle rayonne au-dehors en témoignage rendu à Dieu. Mais pour qu'elle puisse luire, il faut que le cœur soit simple. Si le cœur du croyant est rempli de mauvaises pensées, alors les ténèbres règnent au lieu de la lumière. Pratiquement la lumière qui est en lui est devenue ténèbres.
Selon la Parole de Dieu, les incrédules se trouvent dans les ténèbres et sont eux-mêmes ténèbres. Mais chez le croyant, qui par grâce a reçu la lumière divine et se trouve dans cette « merveilleuse lumière » (1 Pier. 2 : 9), un état de cœur en contradiction avec cette lumière est d'autant plus condamnable qu'il sait, ou devrait savoir, que Dieu le réprouve. L'expérience enseigne, hélas ! qu'un enfant de Dieu en qui la lumière est devenue ténèbres est capable d'accomplir des actes qu'un incrédule respectueux des principes moraux aurait honte de commettre.
Personne ne peut servir deux maîtres (Matt. 6 : 24)
Dans les versets 19 à 24, le Seigneur Jésus met ses disciples en garde contre la poursuite des biens terrestres, et les avertit du danger des affections partagées. Il résume cet enseignement par la déclaration : « Personne ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre : vous ne pouvez servir Dieu et les richesses - littéralement : Mammon ».
Ce verset de la Bible - et il n'est pas le seul - est pratiquement devenu un proverbe dans ce monde. Tout homme sensé sait bien qu'on ne peut orienter ses intérêts et son énergie simultanément vers deux buts opposés.
Le disciple, esclave de Dieu
Dans notre passage, le Seigneur Jésus parle de maîtres et de service. Le passage parallèle de Luc 16 : 13 précise : « Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres ». Le Seigneur montre par là que l'homme n'est pas son propre maître, mais serviteur ou esclave. Chaque homme est par nature esclave du péché (Rom. 6 : 17) et incapable de servir Dieu. Mais celui qui a cru au Seigneur Jésus a été racheté par lui et lui appartient. Il est ainsi son « esclave » et celui de Dieu.
Pourtant, la relation du disciple avec son Seigneur n'a rien de servile. Le Seigneur l'avait déjà déclaré à ses disciples avant sa mort sur la croix : « Je ne vous appelle plus esclaves, car l'esclave ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père » (Jean 15 : 15). Après son œuvre rédemptrice, Il donna même à ses disciples le nom de frères, parce que tous ceux qui l'acceptent par la foi deviennent des enfants de Dieu et des fils de son Père. Quel privilège extraordinaire ! Mais c'est aussi le grand motif, pour tout vrai disciple de Jésus, de « servir le Dieu vivant et vrai » (1 Thes. 1 : 9).
L'état de nos cœurs
« Personne ne peut servir deux maîtres » est un principe général dont le Seigneur Jésus montre ensuite les conséquences. Dans la dernière partie du verset, il s'adresse personnellement à ses disciples en leur disant explicitement ce que cela signifie pour eux : « Vous ne pouvez servir Dieu et les richesses ».
Comme le mentionne déjà le verset 21, il ne s'agit pas ici en premier lieu de ce qui est visible extérieurement, mais du cœur. C'est pourquoi le Seigneur Jésus parle tout d'abord de haine et d'amour, ensuite de mépris et d'attachement. Haine et amour caractérisent l'état du cœur, et celui-ci se manifeste soit par le mépris, soit par l'attachement. Il n'existe pas de compromis possible.
Le prophète Elie interpelle sévèrement les Israélites qui confessaient l'Eternel comme leur Dieu mais qui voulaient en même temps servir Baal : « Combien de temps hésiterez-vous entre les deux côtés ? Si l'Eternel est Dieu, suivez-le ; et si c'est Baal, suivez-le ! » (1 Rois 18 : 21). Dans le Nouveau Testament, l'apôtre Paul prononce un avertissement sérieux à l'égard de tout joug mal assorti : « Ne vous mettez pas sous un joug mal assorti avec les incrédules ; car quelle relation y a-t-il entre la justice et l'iniquité ? ou quelle communion entre la lumière et les ténèbres ? et quel accord de Christ avec Béliar ? ou quelle part a le croyant avec l'incrédule ? et quelle compatibilité y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles ? » (2 Cor. 6 : 14-16). Et Jacques écrit : « Ne savez-vous pas que l'amitié du monde est inimitié contre Dieu ? Ainsi, quiconque donc voudra être ami du monde se constitue ennemi de Dieu » (Jac. 4 : 4).
Le Seigneur Jésus parle ici de haine et d'amour parce qu'Il a en vue l'état du cœur. Preuve de la nouvelle vie, l'amour pour le Seigneur s'exprime par l'obéissance et par la disponibilité au service. Il n'y a alors plus de place pour un autre maître, et lorsque l'adversaire présente des offres séduisantes pour la chair, il est haï. Cette haine n'est cependant pas une réaction de la vieille nature, mais de la nouvelle, qui se manifeste dans l'horreur qu'elle a de tout mal (voir Rom. 7 : 15 ; Jude 23) ! A l'inverse, un homme vivant dans les ténèbres loin de Dieu ne peut pas L'aimer ; il ne peut que Le haïr, tout comme il hait sa lumière (Jean 3 : 20 ; 15 : 24).
Dieu ou les richesses
A la fin du verset 24, il est dit : « Vous ne pouvez servir Dieu et les richesses ». Le disciple du Seigneur Jésus est appelé à Le suivre et à servir Dieu. Cet appel est si élevé qu'il est absolument impossible de servir simultanément Mammon, ou un autre seigneur. Dieu n'accepte pas de compromis. Certes, le cœur de l'homme a toujours tendance à rechercher un tel chemin ; et si nous sommes sincères, nous devons confesser que notre expérience le confirme, hélas ! Mais la Parole de Dieu nous avertit de ce danger, afin que nous soyons sur nos gardes.
L'origine exacte du mot « Mammon » n'est pas claire. Généralement, on l'explique à partir d'un mot araméen signifiant « possession, fortune ». En tout cas il ne s'agit pas du nom d'une idole, mais d'une expression répandue autrefois chez les Juifs, et personnifiant l'argent et la fortune.
Dans les versets 19 à 21, le Seigneur Jésus avait déjà mis ses disciples en garde contre le désir d'amasser des biens terrestres. En leur disant maintenant : « Vous ne pouvez servir Dieu et les richesses », Il montre que la tendance à accumuler de l'argent et des biens est le signe d'un mauvais état de cœur et constitue une forme d'idolâtrie (voir Col. 3 : 5). Et le disciple qui, par incrédulité, se met en souci pour le lendemain, sert - peut-être inconsciemment - Mammon. Le Seigneur reviendra sur ce sujet.
A. Remmers – article paru dans le « Messager Evangélique » (1995 p. 90-96)