LA PREMIERE EPITRE AUX CORINTHIENS (6)
Querelles entre frères et immoralité (v. 1 à 20)
L'état charnel qui régnait à Corinthe se manifestait aussi en ce que plusieurs entretenaient entre eux des querelles qu'ils portaient devant les tribunaux de ce monde (v. 7). Paul s'oppose à un tel comportement qui ne convient absolument pas pour des enfants de Dieu en posant la question suivante : « Celui qui, parmi vous, a un différend avec un autre, ose-t-il entrer en procès devant les injustes et non devant les saints ? » (v. 1). La relation avec le verset 12 du chapitre 5 est indéniable : « Vous, ne jugez-vous pas ceux du dedans ? » Lorsque des injustices surgissent dans l'assemblée de Dieu, c'est le devoir des frères de s'en occuper avec l'esprit du Seigneur Jésus dans la conscience de la sainteté de Dieu, avec le désir de gagner les cœurs. Mais, à Corinthe, les frères s'affrontaient devant les tribunaux, visiblement avec la pensée d'y obtenir justice. L'expression « devant les injustes », qui désigne ici les incrédules en général (comp. 1 Pier. 3 : 18), et donc aussi les juges, visait à montrer à ces frères qu'ils n'avaient aucune justice à attendre d'hommes injustes. Dans la dernière partie du verset, il est indiqué que les litiges entre frères également doivent être réglés devant les « saints », c'est-à-dire les croyants. Alors non seulement les exigences de la justice terrestre seront satisfaites, mais la volonté de Dieu le sera aussi !
La question : « Ne savez-vous pas ? » au verset 2, qui est répétée encore cinq fois dans ce chapitre (v. 3, 9, 15, 16, 19), suggère toujours un certain reproche. Paul rappelle ainsi aux destinataires de sa lettre des choses qu'ils savaient ou au moins auraient dû savoir. Il avait déjà mentionné le règne des croyants avec Christ durant le Millénium (4 : 8) ; ce règne sera précédé du jugement des vivants, auquel participeront également les croyants (comp. Matt. 19 : 28 ; 25 : 31-46 ; Apoc. 20 : 4-6). La Parole de Dieu ne connaît pas le principe actuel de la « séparation des pouvoirs » entre législatif, exécutif et judiciaire. Le pouvoir et la justice forment un tout.
C'est d'ailleurs le seul passage de l'Ecriture qui nous révèle que les saints jugeront non seulement le monde, mais aussi les anges. En eux-mêmes, les anges, comme créatures, sont au-dessus des hommes. Mais tous ceux qui croient au Seigneur Jésus et sont de ce fait un avec Lui, ont reçu une place plus élevée que celle des anges (Héb. 1 : 6, 14 ; Eph. 1 : 21-23). Si donc une mission si élevée est réservée aux croyants dans l’avenir, « les affaires de la vie », ne peuvent être que de peu d'importance.
Ces paroles d'introduction montrent que pour le chrétien, il n'y a aucune situation dans la vie courante, où il puisse perdre de vue sa vocation céleste. Après ce rappel solennel, Paul peut maintenant indiquer aux Corinthiens la voie spirituelle à suivre pour régler les problèmes légaux entre croyants. Le verset 4 a fait, il est vrai, l'objet de commentaires très divers, mais il ne ressort qu'une seule signification intelligible du contexte : l'apôtre invite les Corinthiens à s'en remettre, pour résoudre leurs conflits, à ceux d'entre leurs frères qui étaient peu estimés par eux qui avaient une si haute opinion d'eux-mêmes ! Le motif en est simple : la résolution de tels problèmes n'exige pas une grande connaissance de la vérité, ni aucun don de grâce particulier, mais demande tout de même de la sincérité, de la droiture, et de l'impartialité. Par là même, l'injonction de l'apôtre tendait à faire honte aux Corinthiens, au milieu desquels, apparemment, ne se trouvait personne qui possède la sagesse pratique pour décider entre deux frères en conflit (v. 5). Il en était résulté que des frères allaient devant les tribunaux du monde et réglaient leurs litiges devant des incrédules. Quelle image différente ne voyons-nous pas en Abraham, lors d'une querelle qui avait surgi entre les bergers de Lot et les siens (Gen. 13 : 7-10). Il est dit expressément que les Cananéens et les Phéréziens habitaient alors dans le pays. « Qu'il n'y ait point, je te prie, de contestation entre moi et toi... car nous sommes frères ! » - tel fut le sage conseil d'Abraham à son neveu Lot.
La faute des Corinthiens ne consistait cependant pas seulement en ce qu'ils entraient en procès devant les incrédules ; un état charnel était manifeste parmi eux (v. 6, 7). Inimitiés, querelles, jalousies, colères, intrigues et divisions sont les œuvres de la chair (Gal. 5 : 20) qui ne conviennent pas à des saints. Ils sont appelés à la paix. Et même si un frère veut engager une dispute avec un autre, celui-ci, s'il est réellement spirituel, manifestera dans la puissance de la vie nouvelle les sentiments de son Seigneur, qui, « lorsqu'on l'outrageait, ne rendait pas l'outrage, quand il souffrait, ne menaçait pas, mais se remettait à celui qui juge justement » (1 Pier. 2 : 23). L'état charnel des Corinthiens se révélait dans le fait qu'ils n'étaient pas prêts à supporter une injustice avec douceur et humilité, et à se laisser faire tort ; au contraire chacun cherchait à porter préjudice à l'autre, qui pourtant était son frère dans le Seigneur, et à le léser !
Pour la troisième fois dans ce paragraphe, Paul emploie cette parole d'exhortation : « Ne savez-vous pas ? » (v. 9). Les injustes n'hériteront pas du royaume de Dieu. C'est un principe divin, souligné par le sérieux avertissement qui suit : « Ne vous y trompez pas ». Dans le règne de justice futur du Seigneur, les injustes n'auront part au royaume ni sur la terre ni dans le ciel, mais seuls ceux qui sont lavés dans son sang y participeront. Il est vrai qu'un croyant né de nouveau peut aussi agir injustement, ou tomber dans l'un des péchés mentionnés aux versets 9 et 10 ; mais le cas est différent s’il s’agit de celui qui vit dans ces péchés, et porte ainsi le caractère de pécheur. Celui qui démontre par sa conduite qu'il est un « injuste » ne doit pas espérer avoir un héritage dans le royaume de Dieu. Nous n'avons pas le droit de changer la grâce de notre Dieu en « débauche » (Jude 4).
Cela signifie-t-il alors qu'un véritable enfant de Dieu puisse cependant être perdu lorsqu'il pèche ? Certainement non. Mais nous avons dans ce passage une nouvelle preuve que la grâce de Dieu et la responsabilité de l'homme ne doivent pas être mélangées. Si nous considérons la grâce de Dieu, il est dit : Celui qui croit au Fils ne périt pas, mais reçoit la vie éternelle et personne ne peut l’arracher de la main du Père (Jean 10 : 28-29). Mais si nous considérons l'homme - également le chrétien - dans sa responsabilité devant Dieu, nous trouvons toujours dans la Parole de Dieu que celui qui confesse appartenir au Seigneur doit le prouver pratiquement par son nouveau comportement : « Qu'il se retire de l'iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur » (2 Tim. 2 : 19). S'il ne le fait pas, il n'a pas le droit de se prévaloir de la grâce de Dieu. C'est exactement ce que Paul place devant les yeux des Corinthiens désinvoltes à l'égard du péché.
Il leur rappelle en même temps que plusieurs d'entre eux avaient vécu avant leur conversion dans les péchés les plus grossiers, mais que maintenant, par la foi, ils avaient été lavés, sanctifiés et justifiés au nom du Seigneur Jésus, et par l'Esprit de Dieu (v. 11). Le lavage correspond à l'œuvre de Dieu dans la nouvelle naissance ; la sanctification est l'œuvre de l'Esprit, et la justification est la purification de toute culpabilité ou accusation en vertu de l'œuvre du Seigneur Jésus à la croix. Après la sévère mise en garde antérieure, ce rappel a pour but de placer à nouveau devant les Corinthiens l'immense grâce de Dieu dont ils avaient été les objets !
Le verset 12 introduit un nouveau paragraphe ; il concerne le but auquel est destiné le corps du croyant. Suivant une certaine conception philosophique de cette époque, le corps était la partie la plus basse et donc la plus insignifiante de l'être humain. Les paroles d'introduction : « Toutes choses me sont permises... », répétées sous une forme semblable au chapitre 10 (v. 23), montrent que le chrétien ne se trouve pas sous une loi comme l'était l'Israélite, mais que, comme homme nouveau, il est appelé à la liberté (Gal. 5 : 1). Manifestement, les Corinthiens se prévalaient cependant de cette parole pour justifier leur comportement immoral. Paul répond à une telle attitude par la double mise en garde que tout usage de la liberté chrétienne n'est pas avantageux pour la vie de la foi, et que, par l'emploi erroné de cette liberté nous pouvons perdre le contrôle spirituel de nous-mêmes. Si une chose n'est pas utile pour la vie spirituelle ou exerce sur nous une forte influence, elle tend plutôt à nous détourner du Seigneur qu'à nous rapprocher de lui.
Le verset 13 met en évidence la différence importante entre le ventre et le corps, que les Corinthiens perdaient de vue. Le mot « ventre » désigne ici les fonctions du corps humain, nécessaires au croyant aussi pour le maintien de sa vie naturelle ; elles trouveront leur fin soit avec la mort, soit lors de la venue du Seigneur Jésus. De même aussi, Dieu mettra une fois à néant - c'est-à-dire fera cesser - les aliments nécessaires à la subsistance. Même à l'égard de ces fonctions vitales « neutres » en elles-mêmes, chaque croyant doit se demander s'il en use pour l'utilité, ou s'il se laisse dominer par elles. Au chapitre 10 (v. 31), Paul écrit : « Que vous mangiez, que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu ».
En revanche, lorsqu'il est parlé du « corps » du croyant, il s'agit de l'instrument qui subsiste éternellement de son humanité, par lequel il est un membre du corps de Christ, et dans lequel Dieu doit être glorifié, parce qu'il est le temple du Saint Esprit. Tandis que le ventre est destiné aux aliments (et inversement), notre corps appartient au Seigneur et ne doit pas être détourné de son usage pour être employé à la fornication. Les Corinthiens commettaient la double erreur de mettre sur le même plan le « corps » et le « ventre », la fornication et les aliments. L'instinct sexuel, que Dieu a donné pour la multiplication et la sauvegarde de tout le genre humain (Gen. 1 : 28), n'est cependant pas nécessaire pour le maintien de l'existence personnelle de l'individu ; de plus, il doit trouver sa réalisation seulement dans le mariage (Gen. 2 : 24), et non pas en dehors. Toute union sexuelle en dehors du mariage est donc désignée par les Saintes Ecritures comme étant le péché de fornication. Le corps du croyant doit néanmoins être là pour le Seigneur, qui pourvoit dans le temps présent à sa conservation, et qui le délivrera lors de sa venue (Rom. 8 : 23).
L'importance du corps est soulignée dans le verset suivant. De même que notre Seigneur a été ressuscité corporellement et qu'Il est assis maintenant comme homme glorifié à la droite de Dieu, de même nous aussi connaîtrons, lors de sa venue, la puissance de Dieu, quand il ressuscitera tous les saints endormis d'entre le reste des morts (v. 14) et changera le corps des vivants (15 : 51). Nos corps mortels, maintenant faibles et portant encore l'empreinte du péché, seront alors rendus conformes au corps de la gloire de Christ (Phil. 3 : 21). Il est parlé de la nature merveilleuse de ce corps de résurrection et de gloire au chapitre 15 (v. 35-50). Dans ce corps glorifié, nous serons capables de voir notre Seigneur « comme Il est » (1 Jean 3 : 2) et de lui offrir une adoration parfaite et éternelle.
Le corps du croyant appartient cependant au Seigneur dès maintenant et non uniquement après la résurrection (v. 15). Le Saint Esprit ne demeure pas seulement dans chaque croyant individuellement, mais par Lui, nous sommes baptisés pour être un seul corps, le corps de Christ (comp. 12 : 12-13). En fait, les Corinthiens auraient dû savoir que le corps de Christ sur la terre est constitué de tous les croyants vivants ; leurs corps, comme instruments de la volonté de Christ, la tête, en forment les membres. Quelle contradiction lorsqu'un chrétien abuse de son corps, cet « instrument » de l'unité spirituelle avec Christ, pour s'unir sexuellement avec une prostituée : il en fait ainsi un « membre » d'une pécheresse ! Ceci est expliqué au verset 16 à l'aide de l'ordre de la création : « Ne savez-vous pas que celui qui est uni à une prostituée est un seul corps avec elle ? Car les deux, est-il dit, seront une seule chair » (comp. Gen. 2 : 24). Selon la volonté de Dieu, mari et femme, dans le lien du mariage, forment une unité. Mais en cas de fornication, une unité est produite contre la volonté de Dieu, en dehors de l'ordre divin, d'une manière coupable (sans qu'il en résulte toutefois un mariage). De ce fait, le corps du chrétien devient une partie ou un membre de la prostituée.
Cette unité charnelle coupable est en opposition directe avec notre unité avec Christ, notre Sauveur et Seigneur, qui existe non en vertu de l'incarnation, c'est-à-dire dans la chair, mais en vertu de son œuvre expiatoire, de la nouvelle naissance et de l'habitation du Saint Esprit, c'est-à-dire en Esprit.
Aussi Paul adjure-t-il les Corinthiens : « Fuyez la fornication ». Dans aucun autre cas que celui-ci, le corps n'est à ce point le moteur et l'instrument d'un péché commis contre sa destinée première (v. 18).
L’apôtre avance encore un autre argument : le corps du chrétien est le temple du Saint Esprit qui habite en lui (v. 19). Non seulement l'Assemblée, comme un tout, est le temple de Dieu (voir 3 : 16), mais aussi le corps de chaque croyant individuellement est un temple du Saint Esprit. De même que le temple à Jérusalem était, sous l'ancienne alliance, l'habitation de Dieu sur la terre, où s'exerçait le service divin, de même le corps du croyant l'est maintenant. Il n'en a pas toujours été ainsi. L'incrédule fait ce qu'il veut de son corps. Mais le croyant sait qu'il a été acheté à un grand prix. Le prix que le Seigneur Jésus a payé à la croix, a été son sang précieux (1 Pier. 1 : 18). C'est pourquoi nous sommes exhortés, en conclusion, à glorifier Dieu dans ce corps, c'est-à-dire à accomplir sa volonté et ses pensées, et ainsi à L'honorer.