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Le sermon sur la montagne (10)

 
 

Aimez vos ennemis (Matt. 5 : 43-48)

            « Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi » (v. 43).

            Le Seigneur introduit le dernier de ses six exemples comme les précédents : « Vous avez entendu qu'il a été dit…». Il ne dit jamais : « il est écrit», pas même lorsqu’Il cite textuellement un commandement de l'Ancien Testament, comme aux versets 27 et 38. Le Seigneur en effet n'avait pas pour but d'annuler les commandements inspirés de Dieu, mais de dénoncer, en les condamnant, les fausses interprétations et les altérations que les scribes avaient apportées, ainsi que les « traditions des anciens », dont ils faisaient grand cas (voir Marc 7 : 3).En outre, Il présente à ses disciples l'état intérieur et l'attitude extérieure auxquels Dieu prend plaisir.
            Le commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lév. 19 : 18) est le verset de l'Ancien Testament le plus souvent cité dans le Nouveau (voir Matt. 19 : 19 ; 22 : 39 ; Marc 12 : 31 ; Luc 10 : 27 ; Rom. 13 : 9 ; Gal. 5 : 14 ; Jac. 2 : 8). La loi du Sinaï, « sainte, juste et bonne » (Rom. 7 : 12), atteint son sommet dans les deux commandements : aimer Dieu et aimer son prochain (Matt. 22 : 35-40), qui la résument tout entière.

 
                        Altération de la Parole de Dieu

            La question posée par un docteur de la loi en Luc 10 : 29 : « Et qui est mon prochain ? » montre que les Juifs avaient restreint le champ d'application de ce commandement. Ils ne voulaient pas reconnaître en chacun leur prochain, mais seulement parmi les gens de leur propre nation. Les « incirconcis », les païens, n'étaient pas de ceux que l'on devait aimer. Les scribes et les pharisiens, dans leur dureté, faisaient encore un pas de plus en refusant de voir leur prochain parmi les gens du commun. Ils les considéraient comme maudits parce qu'ils ne connaissaient pas la Loi (Jean 7 : 49). Finalement, les ennemis personnels étant aussi exclus, seuls quelques privilégiés pouvaient être considérés et traités comme « prochains ».
            Par ailleurs, les rabbins estimaient que si le « prochain » devait être aimé, on pouvait haïr ses « ennemis », c'est-à-dire tous les autres hommes : les nations, le peuple ignorant, et ses ennemis personnels. Pour le justifier, ils s'appuyaient sur des passages comme Deutéronome 7 : 2, où Dieu commande au peuple d'Israël de ne pas traiter alliance avec les habitants du pays de Canaan, de ne pas user de grâce envers eux, mais de les détruire. Du commandement d'amour désigné en Romains 13 : 10 comme « le tout de la Loi », on avait tiré un commandement de haine. Il suffisait d'aimer ceux qui avaient les mêmes opinions, et on pouvait éprouver de l'orgueil, du mépris et de la haine pour les autres hommes.

 
                        Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis

            Les Juifs fermaient volontairement les yeux sur le fait que, dans la Loi, Dieu leur avait aussi commandé la bienveillance envers leurs ennemis (Ex. 23 : 4-5). Le Seigneur enseigne : « Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (v. 44). En disant cela, Il s'oppose à l'application étroite et charnelle de l'ancien commandement et à ce que les hommes y avaient ajouté. Selon les pensées de Dieu, tout homme que nous rencontrons est notre prochain, même si son comportement est celui d'un ennemi.
            Le Seigneur Jésus a été la révélation de l'amour de Dieu : « Mais Dieu met en évidence son amour à lui envers nous en ceci : lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous… étant ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils… » (Rom. 5 : 8-10). A la croix, Jésus a prié pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font » (Luc 23 : 34). Notre Seigneur a ainsi parfaitement accompli le commandement qu'Il a donné lui-même : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent ».

            « Ainsi vous serez (ou : deviendrez) les fils de votre Père qui est dans les cieux » (v. 45a). Quel but élevé ! Comme nous l'avions déjà remarqué à propos des versets 9 et 16 dans le sermon sur la montagne, le terme « fils » a une signification pratique. Il ne s'agit pas ici de l'évangile, c'est-à-dire de la manière par laquelle on devient un enfant ou un fils de Dieu. Le Seigneur Jésus montre à ses disciples, déjà nés de nouveau, qu'en aimant leurs ennemis, ils deviennent imitateurs de leur Père qui est dans les cieux, et peuvent ainsi pratiquement être manifestés comme ses fils. La véritable position de fils, telle que le Nouveau Testament nous la présente, n'a pu être révélée qu'après l'œuvre expiatoire de Christ (Rom. 8 : 14-15 ; Gal. 4 : 5-7 ; Eph. 1 : 5).
            Le Seigneur leur rappelle ensuite comment agit le Créateur et Conservateur de tous les hommes : « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et envoie sa pluie sur les justes et sur les injustes » (v. 45b). Certes, l'amour de Dieu envers ses créatures a trouvé son expression suprême dans le don de son Fils bien-aimé (Jean 3 : 16). Mais pour celui qui veut bien le reconnaître, son amour envers tous les hommes se manifeste dans le fait qu'Il fait lever le soleil chaque matin sur les méchants et sur les bons, et envoie la pluie, indispensable à la vie, sur les justes et sur les injustes. Dieu aurait des raisons pour condamner les méchants et les injustes. Au lieu de le faire, Il témoigne sa divine bonté à tous, durant leur existence sur la terre. L'amour du Dieu créateur à l'égard de ses ennemis ne pouvait pas être présenté d'une manière plus saisissante. Les disciples de Jésus sont invités à suivre cet exemple. Remarquons toutefois que Dieu ne témoigne pas son amour sans faire de distinctions. Il est « le conservateur de tous les hommes, surtout des fidèles » (1 Tim. 4 : 10). De même, les croyants sont exhortés à « abonder en amour les uns envers les autres (c'est l'amour fraternel) et envers tous » (c'est l'amour du prochain) (1 Thes. 3 : 12 ; comp. Gal. 6 : 10). Et le jour vient où ceux qui auront méprisé la bonté de Dieu qui pousse l'homme à la repentance (Rom. 2 : 4) subiront un châtiment éternel.

 
                        « Vous, soyez donc parfaits »

            Dans les versets 46 et 47, le Seigneur montre par deux exemples qu'aimer son prochain à la manière des pharisiens ne diffère en rien de ce que fait le monde. Les publicains aussi, ces gens méprisés, ces collaborateurs des Romains, qui s'enrichissaient aux dépens de leurs propres compatriotes, nouaient des amitiés. Les païens également saluaient leurs frères, c'est-à-dire tous leurs proches. Il n'y avait rien là qui mérite une rétribution quelconque. Ni de tels exemples, ni l'enseignement des scribes et des pharisiens ne peuvent guider les disciples de Jésus. Ceux-ci ont besoin d'un exemple infiniment supérieur.
            Cet exemple va clore ce paragraphe, dans lequel le Seigneur a présenté la justice pratique de ses vrais disciples, en contraste avec la fausse justice des pharisiens. Dieu donne l'exemple suprême du véritable amour envers ses ennemis. « Vous, soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (v ; 48). Comme Père céleste, Il est notre modèle en toutes choses. Dans le passage parallèle de Luc 6 : 36, il est dit : « Soyez miséricordieux, comme aussi votre Père est miséricordieux », et en 1 Pierre 1 : 16 : « Soyez saints, car moi je suis saint ». Dieu est amour et lumière (1 Jean 4 : 8, 16 ; 1 : 5). La miséricorde est une forme d'expression de l'amour, et la sainteté une caractéristique de la lumière. Dans notre verset, ces deux vertus sont résumées ainsi : « Vous, soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait ».
            Reconnaître que Dieu est parfait ne présente aucune difficulté pour la foi. Mais comment des êtres faibles et pécheurs par nature peuvent-ils être parfaits comme Lui ? L'épître aux Hébreux nous fait part de la glorieuse vérité que le Seigneur Jésus a rendu tout croyant « parfait à perpétuité » (Héb. 10 : 14). Mais dans notre passage, il n'est pas question de la perfection fondée sur l'œuvre de la rédemption. Il ne s'agit pas non plus d'un degré de croissance dans la foi, comme en 1 Corinthiens 2 : 6 ou en Philippiens 3 : 15.

            Déjà dans l'Ancien Testament, des hommes de foi comme Noé et Job (Gen. 6 : 9 ; Job 1 : 1) sont appelés « parfaits », et Dieu encourage Abraham en lui disant : « Marche devant ma face, et sois parfait » (Gen. 17 : 1). Pourtant, ces hommes avaient leurs faiblesses et péchaient. Mais ils avaient dans leur cœur le profond désir de marcher devant Dieu et de se conduire parmi les hommes d'une manière honnête et irréprochable. C'est de cette perfection pratique qu'il s'agit dans ce verset de Matthieu. Elle ne peut être réalisée que par la foi, et dans un dévouement sans réserve. Le Seigneur Jésus place ici devant les yeux de ses disciples, comme but de ses enseignements pratiques, une vie de foi et de dévouement à sa suite. L'apôtre Paul a réalisé cela, lui qui écrira aux Corinthiens : « Soyez mes imitateurs, comme moi aussi je le suis de Christ » (1 Cor. 11 : 1) et qui exhortera les Ephésiens : « Soyez donc imitateurs de Dieu comme de bien-aimés enfants » (Eph. 5 : 1).

 

L'aumône
(Matt. 6 : 1-4)

                        Justice pratique

            En Matthieu 6 : 1-18, le Seigneur Jésus reprend le sujet de la justice pratique déjà abordé au chapitre 5 (v. 20), où nous avons lu : « Car je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux ». Dans le Nouveau Testament, les pharisiens et les scribes sont souvent dépeints comme des hommes aux actes religieux extérieurs (Marc 12 : 40), et qui aiment la gloire des hommes plutôt que la gloire de Dieu (Jean 5 : 44 ; 12 : 43). En Matthieu 23, le Seigneur les qualifie à plusieurs reprises d'hypocrites. L'hypocrisie est le désir de paraître meilleur que ce que l'on est réellement. C'était le grand péché des pharisiens, ce que le Seigneur appelle le levain des pharisiens (Luc 12 : 1). Leur justice n'était qu'apparente, et n'avait aucune valeur devant Dieu.


                        Trois exemples

            Dans la première partie du chapitre 6, le Seigneur Jésus présente la justice qui « surpasse celle des scribes et des pharisiens », la vraie justice pratique. Il donne trois exemples : l'aumône, la prière et le jeûne. Ces trois passages présentent une structure identique :

                 - Dans chacun d'eux, le Seigneur Jésus mentionne d'abord ce que les disciples ne doivent pas faire. Il les met en garde contre la manière d'agir des hypocrites, pour qui seule importe l'éloge des hommes.
                 -
Suit alors toujours le même verdict : « En vérité, je vous le dis: ils ont déjà leur récompense ! ».
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Ensuite, le Seigneur donne un enseignement positif, qu'Il introduit par l'adresse personnelle : « Mais toi ».
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Enfin, chacun des trois exemples se termine par les paroles encourageantes : « Et ton Père qui voit dans le secret, te récompensera ».

            Le premier verset est comme le titre de l'ensemble : « Gardez-vous de faire votre aumône devant les hommes, pour être vus par eux ; autrement vous n'avez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux ». Le Seigneur appelle tout d'abord ses disciples à veiller sur leurs pensées et sur les motifs de leurs actions. Ceux qui accomplissent leurs bonnes œuvres de manière à être vus par les hommes montrent qu'ils ne recherchent que l'approbation humaine. C'est là leur « salaire ». Mais le Seigneur déclare que celui qui compte sur la louange des hommes n'obtient aucune récompense du Père qui est dans les cieux !
            Comment concilier ceci avec ce que le Seigneur avait dit précédemment : « Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (5 : 16) ? Là Il exhortait ses disciples à agir comme étant le sel de la terre et la lumière du monde, sans rechercher l'approbation des hommes. Alors ceux-ci verraient leurs bonnes œuvres et glorifieraient Dieu, non pas l'homme.
            Nos motifs étant souvent mélangés, il ne nous est pas toujours facile de distinguer une œuvre faite pour le Seigneur d'une action visant à obtenir l'approbation humaine. Nous avons à veiller sur nos propres cœurs, et à nous juger nous-mêmes constamment.

 
                        Aumônes : miséricorde envers les indigents

            Le Seigneur Jésus développe l'avertissement du verset 1 au moyen de trois exemples. Le premier concerne l'aumône : « Ainsi, quand tu fais l'aumône, ne le claironne devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, pour être glorifiés par les hommes. En vérité, je vous le dis : ils ont déjà leur récompense ! » (v. 2). Le terme « aumône » n'a jamais, dans la Parole de Dieu, la signification péjorative d'une pièce de monnaie qu'on jette à un mendiant. Les aumônes de Dorcas sont mentionnées avec ses bonnes œuvres (Act. 9 : 36) ; les nombreuses aumônes offertes par Corneille, centurion romain, aux indigents du peuple juif, étaient « montées pour mémorial devant Dieu » (Act. 10 : 2-4).
            Malgré les institutions sociales d'aujourd'hui, que de misères découvre celui qui veut bien ouvrir ses yeux et son cœur ! Et si nous ouvrions davantage nos portefeuilles, quel bien nous pourrions faire ! (comp. Gal. 2 : 10 ; Eph. 4 : 28 ; Jac. 2 : 15-17 ; 1 Jean 3 : 17).
            Cependant le Seigneur Jésus ne donne pas un commandement. Il dit simplement : « Quand tu fais l'aumône… ». Il montre aux siens qu'Il pense aux indigents avec sollicitude. Sachons nous aussi leur ouvrir nos cœurs.

 
                        Dieu regarde au cœur

            Quand nous faisons du bien, faisons-le comme Dieu le désire, sans bruit. Le Seigneur Jésus appelle hypocrites ceux qui font sonner la trompette devant eux - figure bien compréhensible ! - de manière à être honorés par les hommes. Ce verdict sévère montre combien le Seigneur déteste une telle attitude.
            Dès l'instant où ces personnes ont la considération de leurs semblables, elles ont déjà la récompense qu'elles désirent. Dieu ne leur en accorde pas d'autre. Car Il juge moins les effets - si bienfaisants soient-ils - que les motifs de nos actes. Il aimerait tant que notre amour pour Lui, et pour notre prochain dans le besoin, soit le mobile de nos bonnes œuvres.
            En contraste avec ce comportement hypocrite, le Seigneur présente dans les versets suivants les sentiments qui doivent animer chacun de ses disciples : « Mais toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit faite dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret, te récompensera » (v. 3-4). Chacun est personnellement appelé à examiner s'il peut aider son prochain, et comment il peut le faire. Mais si nous faisons un don matériel, la discrétion s'impose. Le Seigneur Jésus se sert d'une image extrême : si ma main gauche ne doit pas savoir ce que fait ma droite, combien moins mes frères, mes sœurs et ceux qui m'entourent !

            Cependant il y a Celui qui prend connaissance de mes actes cachés et des dispositions de mon cœur : « Ton Père qui voit dans le secret, te récompensera ». Tout comme Il l'avait déjà fait au chapitre 5 (v. 16, 45), le Seigneur Jésus présente à ses disciples leur nouvelle relation avec Dieu : Il est leur Père. Même s'ils ne pouvaient pas encore comprendre toute la profondeur de cette relation, ils pouvaient déjà apprendre que l'Eternel de l'Ancien Testament était devenu maintenant leur Père, un Père plein d'amour et de bonté, mais aussi un Père juste, qui prend connaissance de toutes les activités et de toutes les pensées de ses fils. Un jour, « pour chacun, l’approbation viendra de Dieu » (1 Cor. 4 : 5).

                       

                                   A. Remmers – article paru dans le « Messager Evangélique » (1994 p. 340-348)

 
 
A suivre