LA PREMIERE EPITRE AUX CORINTHIENS (4)
L'auteur commence apparemment ici un tout nouveau sujet. Mais n'oublions pas qu'en fait, les dissensions au sein de l'assemblée à Corinthe constituent celui des chapitres 1 à 4. Animés de pensées charnelles et désireux de reconnaissance humaine, les partis parmi les Corinthiens avaient choisi comme conducteurs les frères renommés - Apollos, Paul et Pierre - sans que ceux-ci l'aient recherché !
C'est la raison pour laquelle Paul répète qu’Apollos et lui étaient des serviteurs de Christ, et ne voulaient être rien d'autre (voir 3 : 5). Il est vrai qu'en grec, le mot employé ici pour serviteur (hupéretés) n’est pas le même qu'au chapitre 3 : diakonos (v. 5). Mais le sens profond est le même. Le premier devoir d'un serviteur est d'obéir à son Seigneur et Maître. Cependant Paul et Apollos voulaient être reconnus non seulement comme « serviteurs de Christ », mais aussi comme « administrateurs des mystères de Dieu ». Dieu leur avait confié des mystères qui, selon son conseil, étaient jusqu'alors restés cachés (voir Rom. 16 : 25, 26 ; Eph. 3 : 9). Comme nous l'avons remarqué en considérant les chapitres 2 (v. 6) à 3 (v. 3), Paul n'a pas pu parler de ces mystères aux Corinthiens en raison de leur état charnel. En revanche, il a exposé aux Ephésiens « les richesses insondables du Christ » (Eph. 1 : 9 ; 3 : 1-12). Par cela même, il s'est montré un fidèle administrateur des mystères de Dieu. Comme serviteur, il était fidèle à son Seigneur, et comme administrateur, il était fidèle à l'égard de ce que Dieu lui avait confié. La fidélité est la caractéristique la plus importante d'un bon administrateur. S'il en est ainsi, parmi les hommes dans ce monde, combien plus alors c’est vrai dans le domaine spirituel !
La fidélité d'un administrateur n'est souvent manifestée qu'au moment où il présente sa comptabilité à son chef. D'autres peuvent déjà avoir pu porter une appréciation sur son comportement, sur ses paroles, mais pas sur sa fidélité. Il en est de même dans la vie des croyants entre eux. Combien vite nous pouvons en venir à un jugement erroné sur un serviteur du Seigneur. Les divers partis à Corinthe avaient porté des appréciations très différentes, et en conséquence partiellement fausses, sur Pierre, Apollos et Paul, et sur leur service. Appartenait-il maintenant à ces derniers de se justifier ? Ce n'aurait pas été selon la volonté de Dieu.
Paul saisit cette occasion pour donner quelques sérieux enseignements aux Corinthiens.
1. S'agissait-il de son service pour le Seigneur Jésus, il lui importait « fort peu » de quelle manière il serait jugé par les Corinthiens, ou même « de jugement d'homme ». Il ne dit pas qu'un tel jugement ne l'intéressait absolument pas, mais qu'il était de moindre importance en regard de celui du Seigneur. Il exprime ainsi délicatement que l'appréciation des hommes, et surtout de ses frères, ne le laissait pas totalement indifférent.
2. Il ne se jugeait pas non plus lui-même. Cela ne signifie évidemment pas qu'il vivait sans se juger lui-même ni sans confesser ses péchés quotidiennement devant le Père. Nous savons par d'autres passages du Nouveau Testament combien Paul s'appliquait à avoir toujours une bonne conscience devant Dieu et devant les hommes. Ici, il s'agit de son service pour le Seigneur. Selon l'image utilisée par Paul, comme administrateur, il n'était pas habilité à porter une appréciation sur sa propre fidélité ! Si même il n'était conscient d'aucun manquement, il n'était pas pour autant justifié.
3. Le Seigneur Jésus seul peut apprécier la fidélité dans le service. Il ne voit pas seulement l'extérieur, comme les hommes, mais il regarde au cœur (1 Sam. 16 : 7). Lui seul discerne les vrais motifs, si le mobile du service est l'amour pour lui ou l'amour de soi, s'il y a du zèle ou de l'indolence, etc.
4. Pour ces raisons, les Corinthiens ne devaient pas non plus porter de jugement sur les serviteurs du Seigneur « avant le temps ». L'apôtre précise quand le temps du jugement final sera venu, en disant : « ... jusqu'à ce que le Seigneur vienne ». Déjà lors de l'enlèvement des saints, les résultats de l'évangile seront manifestés à la gloire de Dieu, lorsque tous les croyants seront enlevés ensemble à la rencontre du Seigneur, en l'air. Mais le moment viendra où il « mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les intentions des cœurs » ; les siens comparaîtront tous « devant le tribunal de Dieu » (Rom. 14 : 10). Non seulement l'œuvre de chacun sera jugée et récompensée, comme cela est décrit au chapitre 3 versets 14 et 15, mais les pensées et les sentiments cachés de tous les siens le seront aussi. Chacun de nous sera alors manifesté « devant le tribunal du Christ » (2 Cor. 5 : 10), et à ses propres yeux. Mais dans la gloire divine les faiblesses et les péchés de nos frères et sœurs ne nous intéresseront plus ! Là, rien de ce qui n'est pas en harmonie avec la gloire de Dieu ne peut subsister. A la lumière du tribunal de Christ, nous verrons tout ce qui aura marqué notre vie passée comme le Seigneur l'a toujours vu. Nous serons alors durant toute l'éternité en parfaite harmonie avec lui. Quelle grâce de la part de Dieu de pouvoir alors chanter ses louanges ! Notre Seigneur a, dans sa grâce, porté une fois pour toutes le jugement de nos péchés sur la croix de Golgotha. Mais qu'Il trouve encore, malgré tous nos manquements, un motif de nous attribuer quelque louange, est le sommet de sa grâce qui sera le thème de notre adoration éternelle.
Les différents partis à Corinthe honoraient les serviteurs du Seigneur qu'ils s'étaient choisis comme « conducteurs », tandis qu'ils méprisaient les autres. Paul s'élève maintenant contre cet orgueil.
Il explique d'abord qu'il a appliqué ses paroles à lui-même et à Apollos, comme s'il y avait une faute de leur part. Au lieu de reprendre les Corinthiens avec une sévérité impitoyable à cause de leur mondanité, leur esprit de parti et leur autosatisfaction, il prend soin, dans un amour fraternel, de ne pas les blesser. Cependant son but est de leur donner par sa propre conduite et par celle d'Apollos, un exemple à imiter. Les Corinthiens pouvaient apprendre de ces fidèles serviteurs à ne pas élever leurs pensées au-delà des enseignements des Saintes Ecritures, dans lesquelles l'orgueil est toujours condamné et l'humilité présentée comme un sentiment agréable à Dieu (comp. Prov. 3 : 34 ; 16 : 5). Ils avaient failli à cet égard, car dans leur esprit de parti, ils étaient non seulement divisés, mais de plus orgueilleux et prétentieux.
Par l'emploi du pronom « tu », Paul s'adresse maintenant à chacun (des Corinthiens) personnellement. S'il y avait des différences entre eux sur le plan spirituel, d'où procédaient-elles ? N'est-ce pas de Dieu, qui donne à chacun un don de grâce, selon sa volonté ? Tous les dons spirituels que les Corinthiens possédaient, ils les avaient reçus de Lui, et tout ce qu'ils avaient appris, ils l'avaient, par sa grâce, appris des serviteurs de Christ. C'était donc de l'orgueil de leur part que de se vanter de leurs dons ou de leurs connaissances, comme s'ils les avaient acquis par leurs propres efforts ou leur travail.
L'apôtre devait constater avec tristesse qu'ils se trouvaient tous dans un état d'autosatisfaction et de complaisance qui ne faisait que refléter leur vraie pauvreté spirituelle. Ils étaient rassasiés, mais non de nourriture spirituelle ; ils étaient riches, mais non dans le Seigneur ; dans leur présomption, ils avaient déjà pensé pouvoir régner, sans discerner que c'était maintenant le temps de persévérer et de souffrir pour Christ, et non pas de régner. L'expression « sans nous » est empreinte d'une certaine ironie, car quand, dans le règne millénaire, le temps où les croyants domineront sera là, tous les croyants régneront avec Christ, et non pas seulement quelques-uns (2 Tim. 2 : 12 ; Apoc. 20 : 4-6). C'est pourquoi Paul ajoute : « ... et je voudrais bien que vous régniez, afin que nous aussi, nous régnions avec vous » (v. 8). Par ces paroles, il évoque le Millénium, lorsque le Seigneur apparaîtra triomphalement, accompagné de tous ses rachetés, et exercera son règne de justice et de paix. L'apôtre attendait non seulement la venue du Seigneur pour prendre auprès de lui les siens, mais aussi ce royaume de paix. Ces deux événements sont encore futurs.
En contraste avec l'aspiration des Corinthiens à l'estime des autres et à leur influence sur eux, Paul se considérait lui-même, et les autres apôtres avec lui, comme la lanterne rouge pour ainsi dire dans ce monde. Il évoquait ainsi (comme en 2 Cor. 2 : 14-16) les processions triomphales romaines. Lorsque les empereurs revenaient à Rome après une victoire, les prisonniers destinés à mourir dans l'amphithéâtre sous les yeux des foules de spectateurs défilaient derrière, en fin de cortège. Telle était la place que prenaient les apôtres dans ce monde, selon la volonté de Dieu. Aussi bien devant les hommes que devant les anges, ils rendaient ainsi témoignage par leur vie qu'ils ne recherchaient pas une place d'honneur et de considération, mais prenaient celle du mépris et de rejet que le Seigneur Jésus lui-même avait prise dans sa vie et dans sa mort.
Au verset 10, Paul montre le contraste qui en résulte entre les « serviteurs du Seigneur » et les Corinthiens. Eux-mêmes étaient considérés comme des fous pour l'amour de Christ (1 : 23), ils étaient faibles et méprisés. Quant aux Corinthiens, il ne pouvait être dit d'eux qu'avec une certaine ironie, qu'ils étaient sages en Christ, ainsi que forts et honorables, car ils l'étaient seulement dans leur propre imagination, et peut-être selon l'apparence extérieure, mais non pas aux yeux de Dieu (comp. v. 8).
A l'appui de ses paroles, l'apôtre énumère quelques-unes des difficultés dont lui-même et ses collaborateurs avaient continuellement à souffrir : la faim, la soif, le manque de vêtements, les coups, l'absence de demeure, le dur labeur pour leur subsistance. Quelle consécration au Seigneur animait ces hommes pour qu'ils acceptent de telles épreuves ! Paul mentionne encore d'autres peines pour ces serviteurs, et comment ils ont enduré chacune d'elles : ils ont fait preuve non seulement de persévérance, mais aussi de grâce : « Injuriés, nous bénissons ; persécutés, nous le supportons ; calomniés, nous supplions » (v. 12). La grâce leur donnait la force d'endurer le plus grand mépris, celui d'être considéré comme « les balayures du monde et le rebut de tous » (v. 13).
Pour éviter tout malentendu, Paul explique maintenant aux Corinthiens pourquoi il leur écrit tout cela. Il ne veut pas leur faire honte, mais désire les exhorter comme ses enfants bien-aimés. Il n'était pas un maître pour eux, mais leur père. Dans la Grèce antique comme à Rome, les fils des familles aisées se trouvaient placés, depuis l'âge de sept ans environ jusqu'à dix-sept ans, sous la surveillance permanente d'un maître (en grec : paidagogos) qui les accompagnait sur le chemin de l'école et dans toutes leurs activités, pour leur enseigner un comportement digne de leur rang, et les préserver d'influences néfastes ainsi que de leur propre insouciance. A la différence des « pédagogues » d'aujourd'hui, ce paidagogos ne dispensait aucun enseignement. Son rôle était de maintenir ses protégés dans la soumission. On considérait l'autorité plus importante que l'amour ! Dans le domaine spirituel aussi, il est plus facile de se présenter comme maître que comme père, et c'est la raison pour laquelle les chrétiens capables de dire aux autres en quelques mots comment ils doivent se comporter sont plus nombreux que les chrétiens aptes et disposés à aider d'autres avec amour et patience en vue de leur croissance spirituelle.
Il existait manifestement à Corinthe plusieurs de ces « maîtres », qui voulaient dominer sur les croyants et les tenir dans la soumission, mais il n'y avait que peu de « pères » qui auraient eu de la joie à les voir croître dans la grâce et dans la connaissance de Jésus Christ. Paul était, lui, le vrai père spirituel des croyants à Corinthe, et ceci à double titre. Premièrement, il leur avait annoncé l'évangile (comp. Act. 18) et par cela il avait été le moyen de leur conversion et de leur nouvelle naissance. C'est pourquoi il pouvait dire qu'il les avait engendrés dans le Christ Jésus par l'évangile (comp. Phm 10 ; Gal. 4 : 19). Mais aussi, comme étant plus avancé dans la foi, Paul pouvait se présenter comme leur père, qui voulait les aider dans un amour plein de sollicitude, lui qui leur avait été en exemple à tous égards. C'est pourquoi il les supplie maintenant d'être ses imitateurs. L'exemple pratique constitue l'une des meilleures méthodes d'enseignement ! Dans l'exhortation qu'il leur adresse : Soyez mes imitateurs, il n'y a aucune prétention, car il voulait par là attirer l'attention non pas sur lui, mais sur Christ, dont il était lui-même un imitateur (11 : 1).
Comme dans la situation présente, Paul ne pouvait ou ne voulait pas venir à Corinthe, il y avait envoyé Timothée (comp. 16 : 10). Ce compagnon de longue date de l'apôtre Paul le connaissait comme nul autre et lui était dévoué dans un fidèle attachement filial, comme nous pouvons le déduire de Philippiens 2 : 20 à 22, et 2 Tim. 3 : 10. Paul, de son côté, appréciait hautement son compagnon d'œuvre et l'estimait qualifié pour rappeler aux Corinthiens tout ce que, comme fidèle disciple de Christ, il avait transmis en paroles et en actes, non seulement à eux mais aussi dans chaque assemblée. Le chemin du Seigneur dans lequel Paul marchait, était le même pour toutes les assemblées. ‒ La mention de « chaque assemblée » au verset 17 est très remarquable, car elle nous montre l'universalité de l'enseignement confié à l'apôtre Paul, qui actuellement n'est plus accepté même par de nombreux vrais croyants.
Paul savait qu'il y avait à Corinthe des personnes qui saisissaient n'importe quelle occasion pour se mettre en valeur, en faisant de la propagande contre lui et en sapant la confiance des Corinthiens en lui. Elles prétendaient ainsi fièrement que l'apôtre avait envoyé Timothée à Corinthe uniquement parce qu'il n'osait pas s'y rendre lui-même. A cette assertion, il répond qu'il fait entièrement dépendre son projet de visite de la volonté de son Seigneur bien-aimé. A l'adresse de ceux qui s'étaient enflés d'orgueil, il laisse entrevoir l'éventualité d'une sérieuse confrontation, qui mettrait en évidence que la véritable puissance spirituelle se mesure à la marche pratique, et non pas aux paroles. Au chapitre 13 (v. 1), il fait observer aux Corinthiens que l'on peut parler comme un ange et n'être pourtant qu'un « cuivre qui résonne » ou « une cymbale retentissante ». A son arrivée, au plus tard, il serait donc manifesté que ces orgueilleux ne faisaient que séduire les croyants à Corinthe par leur discours.
« Car, ajoute-t-il, le royaume de Dieu n'est pas en parole, mais en puissance » (v. 20). Le « royaume de Dieu » désigne le règne de Christ sur le monde. Les caractères de ce royaume sont la reconnaissance de l'unique autorité du Seigneur Jésus comme roi et l'obéissance à sa Parole. Le royaume de Dieu était déjà annoncé prophétiquement dans l'Ancien Testament (comp. Es. 9 : 6-7 ; Dan. 9 : 13-14). Lorsque le roi, Christ, est venu dans le monde, son royaume a commencé (Matt. 12 : 28), cependant le roi a été rejeté et mis à mort. De ce fait, la domination « officielle » de Christ a été remise à un temps futur. Ce n'est que lors de son apparition en gloire qu'il prendra cette domination dans son royaume et exercera le pouvoir pendant une période de mille ans (Apoc. 20 : 1-6). Durant ce temps, Satan sera lié et le Seigneur partagera son pouvoir avec les siens. Pendant mille ans, la justice et la paix régneront sur la terre, où il y a maintenant tant d'injustice et de violence.
Nous vivons actuellement dans l'intervalle entre la première venue du Roi et sa seconde apparition. Après le rejet de Christ comme roi, Dieu dans sa sagesse a révélé son conseil glorieux concernant l'assemblée et Il le réalise dans le temps présent. Celui qui croit maintenant au Seigneur Jésus, devient un membre de son corps, de son assemblée qui, lorsqu'elle sera complète, sera recueillie auprès de lui dans la maison du Père, et l'accompagnera lors de son apparition. Depuis la première venue du Seigneur sur la terre, tous ceux qui croient en Lui le confessent aussi comme le roi de son royaume, bien que celui-ci soit maintenant caché aux yeux du monde. De là vient que dans les épîtres du Nouveau Testament, le royaume de Dieu est fréquemment mentionné, parfois relativement au règne officiel futur du Seigneur (comp. 1 Cor. 6 : 9), parfois aussi en rapport avec le temps présent.
Un caractère essentiel du royaume de Dieu est la reconnaissance de l'autorité du Seigneur Jésus, c'est-à-dire l'obéissance. Les croyants du temps présent se trouvent eux aussi dans le royaume de Dieu et l'obéissance envers leur Seigneur doit se manifester non seulement dans leurs paroles mais en premier lieu dans leurs actions.
La question n’était donc pas de savoir si ou quand l'apôtre viendrait à Corinthe, mais de quelle manière. Des Corinthiens dépendait l'attitude dans laquelle il irait : soit « avec le bâton », c'est-à-dire avec autorité, soit « avec amour et un esprit de douceur » (v. 21), comme leur père en Christ. Nous avons déjà vu (v. 14) qu'il ne désirait pas leur faire honte, mais voulait les servir comme un père.
A. Remmers