Le sermon sur la montagne (7)
Du verset 21 au verset 48, le Seigneur Jésus développe six exemples dans lesquels - sans dénigrer la Loi - il dénonce la fausse interprétation qu'en ont donnée les scribes et les pharisiens. En même temps, il explique à ses disciples quelques points importants.
Premièrement, il leur rappelle que de nombreux commandements donnés par Dieu à Israël ne se rapportent qu'au comportement extérieur de l'homme.
Deuxièmement, il leur fait remarquer que, par leurs interprétations souvent subtiles, les scribes avaient tellement restreint l'application de ces commandements que, parfois, il ne restait presque plus rien de leur véritable signification.
Troisièmement, il leur montre que la chose la plus importante n'est pas le respect simplement formel de la Loi, mais le désir du cœur de vivre à la gloire de Dieu, en conformité avec ses pensées.
Le premier de ces six exemples commence ainsi : « Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens… » (v. 21). Ici, les anciens ne sont pas seulement les contemporains de Moïse, mais également les ancêtres des scribes, car le texte qui suit ne contient pas seulement le sixième commandement (Ex. 20 : 13), mais aussi une adjonction. Les auditeurs du Seigneur Jésus avaient entendu deux choses différentes : tout d'abord le commandement : « Tu ne tueras pas », qui avait été donné par Dieu, puis les mots ajoutés par les scribes, sans doute depuis la captivité babylonienne : « Et quiconque tuera sera passible du jugement ». Ce jugement est probablement celui que rendaient les juges et les magistrats qui devaient être établis dans toutes les villes en Israël, selon Deutéronome 16 : 18.
A ce commandement et à ce que les hommes lui avaient ajouté, le Seigneur Jésus oppose ses propres paroles : « Mais moi, je vous dis » - expression répétée six fois jusqu'à la fin du chapitre. Il parle avec la même autorité que Celui qui avait autrefois donné la Loi, car Il est le Fils de Dieu. Par ses paroles, Il n'abolit pas la Loi, mais Il étend son application à l'état du cœur de l'homme. Tandis que le commandement n'interdisait que l'extrême manifestation de la haine, le meurtre, le Seigneur montre que même la colère contre son frère (il s'agit ici en premier lieu d'un « frère » juif) mérite le même châtiment.
Ainsi, celui qui se mettait en colère contre son frère méritait, selon les paroles du Seigneur, le même châtiment que celui qui, selon l'avis des rabbins, était un meurtrier. Celui qui disait à son frère « Raca » (en araméen « insensé ») était passible du jugement du sanhédrin - le tribunal suprême juif - et celui qui le qualifiait de « fou » était passible de la géhenne de feu, de la condamnation éternelle. Si le dernier de ces trois péchés, qui en fait ne se distinguent guère l'un de l'autre, conduit à la condamnation éternelle, il en est de même pour les deux autres. Car Dieu ne voit pas seulement l'aspect extérieur, Il regarde à notre cœur.
Les deux exemples suivants (v. 23-26) traitent du cœur en bon état. Le premier souligne la nécessité d'une bonne conscience, le deuxième nous enseigne que le temps pour se réconcilier a des limites.
Premier exemple : « Réconcilie-toi avec ton frère »
« Si donc tu présentes ton offrande à l'autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord, réconcilie-toi avec ton frère ; et alors viens présenter ton offrande » (v. 23-24).
Nous nous souvenons que le Seigneur Jésus s'adresse en premier lieu à ses disciples d'alors. Il parle ici des sacrifices offerts dans le temple. Toutefois, ses paroles nous concernent également.
Dieu ne peut approuver que nous venions l'adorer sans avoir réglé nos « différends » avec nos frères et nos sœurs. Et pourtant, ne nous arrive-t-il pas de manquer à cet égard ? Il ne s'agit parfois que d'un malentendu, mais il se peut aussi que j'aie blessé sciemment un enfant de Dieu, un frère ou une sœur. Chaque fois que l'un ou l'autre a quelque chose contre moi, l'exhortation du Seigneur est claire : « Va d'abord, réconcilie-toi avec ton frère ».
Seule la réconciliation, qui bien sûr est impossible sans une sincère confession, peut rétablir une relation normale entre croyants. L'amour fraternel pourra alors de nouveau se manifester librement, et notre communion avec notre Dieu et Père sera rétablie : « Et alors viens présenter ton offrande ».
Le Seigneur ajoute un second exemple : « Mets-toi rapidement d'accord avec ta partie adverse pendant que tu es en chemin avec elle, de peur que ta partie adverse ne te livre au juge, que le juge ne te livre au gendarme et que tu ne sois jeté en prison ; en vérité, je te le dis : Tu ne sortiras pas de là jusqu'à ce que tu aies payé le dernier quart d’un sou » (v. 25-26).
Dans l'Antiquité, il était d'usage de garder en prison un débiteur condamné, jusqu'à ce qu'il ait payé toutes ses dettes (comp. Matt. 18 : 30-34). Le Seigneur emploie ici un langage figuré : avant qu'il ne soit trop tard, il faut saisir l'occasion offerte de se réconcilier paisiblement avec sa partie adverse, même si d'abord on n'en a pas envie. Le temps de la réconciliation est « compté ». Celui qui refuse la réconciliation en portera les conséquences. En Matthieu 18 : 34-35, le Seigneur donne le même avertissement.
De fausses applications du verset 26, comme aussi de Luc 12 : 57-59, ont conduit à bien des confusions, notamment la doctrine du « purgatoire ». Il n'est enseigné nulle part dans les Saintes Ecritures que l'homme doive endurer après sa mort un châtiment temporaire de la part de Dieu, pour connaître ensuite une rédemption éternelle. Non, quand la mort intervient, on est soit pleinement et éternellement sauvé, soit éternellement perdu ! Par conséquent, ce verset ne peut se rapporter qu'aux circonstances de la terre.
Ces paroles du Seigneur s'accordent avec plusieurs prophéties de l'Ancien Testament concernant le peuple d'Israël. Quand, dans l'avenir, la détresse de Jacob aura cessé, la parole du prophète Esaïe s'accomplira : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée ; car elle a reçu de la main de l'Eternel le double pour tous ses péchés » (Es. 40 : 1-2). Lorsque leur Roi et Sauveur était parmi eux pour les racheter, les Juifs n'étaient pas prêts à l'accepter et à répondre à son appel à la repentance. C'est pourquoi Dieu a dû rejeter son peuple incrédule (Rom. 11 : 25). Cette mise de côté d'Israël atteindra son point culminant lors de la grande tribulation, et durera jusqu'au moment où Dieu « aura achevé toute son œuvre contre la montagne de Sion et contre Jérusalem » (Es. 10 : 12 ; Zach. 13 : 8-9).
« Tu ne commettras pas d’adultère »
Parmi les exemples qu'Il prend dans la Loi, le Seigneur Jésus cite maintenant le septième commandement : « Tu ne commettras pas d’adultère » (Ex. 20 : 14 ; Deut. 5 : 18). Depuis la création, le mariage - qui unit deux êtres pour la vie - est une institution sur laquelle Dieu veille particulièrement. Dans le Nouveau Testament ; il est une image de la relation de Christ avec son Assemblée, relation caractérisée par son amour divin et son dévouement comme homme.
Mais le péché a tout gâté ! Lémec, Abraham, Jacob, Salomon et d'autres hommes de l'Ancien Testament ont vécu dans la polygamie, mais cela ne correspondait nullement à la volonté de Dieu et a entraîné des difficultés dans leurs familles. Combien l'adultère commis par le roi David avec Bath-Shéba a été lourd de conséquences ! Et aujourd'hui, qu'en est-il de la morale conjugale - non seulement dans le monde, mais même parfois parmi ceux qui se disent chrétiens ! Dans ce domaine, au cours des dernières décennies, les principes bibliques ont été systématiquement rejetés par la société.
Cependant, Dieu a une telle horreur de l'immoralité que Paul doit écrire aux Ephésiens : « Mais que ni la fornication, ni aucune forme d’impureté ou de cupidité ne soient même nommées parmi vous, comme il convient à des saints… » (5 : 3). Cela signifie que nous ne devons pas parler légèrement de ces péchés ni les minimiser. Quand la Bible nous donne l'appréciation de Dieu à leur égard, elle parle un langage très clair. Fornication ne signifie pas seulement prostitution, mais toute relation extra-conjugale, même si on a l'intention de se marier, et même si cela n'a lieu qu'une seule fois (comp. Gen. 34 et 38). Selon le langage du Nouveau Testament, l'union libre est de la fornication ou, lorsqu'elle met en cause des personnes mariées, de l'adultère. Dans les deux cas, cette relation est condamnée comme péché (Matt. 15 : 19 ; 1 Cor. 6 : 9 ; Héb. 13 : 4).
Avec une autorité qui n'appartient qu'à Lui, le Seigneur Jésus met en regard du commandement « Tu ne commettras pas d’adultère » ses propres paroles : « Mais moi, je vous dis ». Il ne dénonce pas, comme au verset 22, une interprétation qui, pour convenir à l'homme, cherche à affaiblir le commandement divin. Encore moins n'abroge-t-Il le commandement lui-même. Il n'était pas venu pour abolir, mais pour accomplir.
Il déclare : « Mais moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur » (v. 28). Sur la base des enseignements dispensés par les scribes et les pharisiens, les Juifs pensaient que l'observance purement extérieure de la Loi conduisait à la justification devant Dieu. Mais Jésus sonde maintenant le cœur de l'homme, et montre que c'est là que l'adultère a sa source. Le Seigneur révèle ici pour la première fois une chose dont chaque honnête Israélite aurait dû se rendre compte par expérience : la convoitise, qui le conduisait à désobéir au commandement de Dieu, était dans son cœur, et il n'avait pas la force de la surmonter. Le commandement éveillait même la convoitise, comme Paul l'écrit en Romains 7 : 7 : « je n'aurais pas eu conscience de la convoitise, si la Loi n'avait dit : Tu ne convoiteras pas ».
Certes, la loi du Sinaï contenait également des commandements concernant l'état intérieur : « Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain » (Ex. 20 : 17), « tu ne haïras point ton frère dans ton cœur… mais tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lév. 19 : 17-18), « tu aimeras l'Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur… » (Deut. 6 : 4). Mais les Israélites ne percevaient guère dans ces commandements que des préceptes pour leur comportement extérieur.
Le Seigneur Jésus affirme donc que l'adultère se trouve non seulement dans le fait accompli, mais déjà dans le regard de convoitise porté sur une femme.
Il n'est pas question de regards fortuits, involontaires, qui peuvent difficilement être évités, mais du regard conscient de convoitise : « quiconque regarde une femme pour la convoiter ». La pensée coupable dans le cœur accompagne le regard volontaire.
Cette distinction est très importante. A peine faisons-nous quelques pas dans la rue, que nous voilà les témoins de la corruption morale de notre temps. C'est ainsi que nous sommes involontairement souillés. Mais le regard délibérément impur est tout à fait autre chose. De même, aucun chrétien ne peut éviter que des pensées impures surgissent dans son esprit. Mais celles-ci ne le rendront coupable que si, au lieu de s'en détourner, il s'en nourrit. D'un autre côté, si les regards charnels et les pensées impures sont des péchés, que penser d'une tenue ou d'un comportement provocants de femmes et de jeunes filles croyantes, qui attireraient de tels regards ?
Le verset 29 montre avec quel sérieux le Seigneur Jésus jugeait les regards et les pensées de convoitise : « Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi ; car il est avantageux pour toi qu'un de tes membres périsse et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne ». Puis, au verset suivant, il répète presque les mêmes paroles concernant la main droite (comp. Matt. 18 : 8).
En disant cela, le Seigneur ne demande ni mutilation volontaire, ni ascétisme. Le Créateur ne demandera jamais à sa créature de mutiler le corps qu'elle a reçu de Lui. Et même si quelqu'un arrachait ses yeux, la convoitise demeurerait dans son cœur. D'ailleurs, le Seigneur étend ici son enseignement à toute la question du jugement de soi-même.
L'œil, la lampe du corps, peut aussi être considéré comme le «miroir de l'âme» (comp. Matt. 6 : 22-23 ; Prov. 21 : 4 ; Ecc. 11 : 9 ; Ezé. 6 : 9 ; 18 : 12 ; 20 : 8 ; 2 Pier. 2 : 14). La Bible présente plusieurs fois l'œil droit comme un membre précieux (1 Sam. 11 : 2 ; Zach. 11 : 17), et la main droite, celle de l'action, est très souvent mentionnée (par ex. : Gen. 48 : 17 ; Ex. 29 : 20 ; Ps. 73 : 23 ; 121 : 5 ; Apoc. 1 : 16 ; 10 : 5 ; 13 : 16).
La Parole de Dieu ne connaît pour l'homme que deux chemins : celui qui mène à la vie et celui qui mène à la perdition. C'est ce que confirme plus loin le sermon sur la montagne (Matt. 7 : 13-14). Le Seigneur Jésus n'indique ni le moyen d'entrer dans le chemin de la vie, ni celui d'y marcher, mais en décrit seulement les caractères. Plus tard, après la croix, l'apôtre Paul enseignera que ce qui était impossible auparavant - appliquer la mort à la chair et vivre - se réalise maintenant dans le croyant, identifié avec Christ dans sa mort. Et il montrera l'exemple d'une entière consécration : « Je mortifie mon corps et je l'asservis, de peur qu'après avoir prêché à d'autres, je ne sois moi-même réprouvé » (1 Cor. 9 : 27). Il écrit à l'assemblée de Dieu réunie à Corinthe : « Ne vous y trompez pas : ni fornicateurs, ni idolâtres, ni adultères… n'hériteront du royaume de Dieu » (1 Cor. 6 : 9-10), et aux Colossiens : « Mortifiez donc vos membres qui sont sur la terre : fornication, impureté, affections déréglées, mauvais désirs, et la cupidité…» (3 : 5).
A. Remmers – article paru dans le « Messager Evangélique » (1994 p. 244-252)