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Le Juste abandonné

 

            La Parole de Dieu, le Saint Esprit nous éclairant, nous permet de croître dans la connaissance de la Personne du Seigneur – parfaitement Dieu et parfaitement Homme. En particulier, nous sommes appelés à contempler, à distance, les heures insondables de la croix ; elles devraient être l’objet de notre méditation quotidienne.
 
                        Que ta mort, ô sainte Victime,
                        Soit toujours présente à nos yeux!
                        Ton sang a lavé notre crime,
                        Seul, ton sang nous ouvrit les cieux.
 
            Le vœu qu’exprime ce cantique est une réponse à la recommandation de Jésus : « Sondez les Ecritures… ce sont elles qui rendent témoignage de moi » (Jean 5 : 39).


Le chemin de l'homme de douleurs vers la croix
  
            En suivant des yeux le chemin douloureux de Jésus vers la croix, nous pouvons nous arrêter d’abord à Gethsémané. Nous y voyons, de loin, le Seigneur dans l’angoisse du combat. Là, les heures terribles de la croix sont devant lui, et il souffre par anticipation. Il montre sa parfaite soumission au Père, puis s’avance résolument au-devant de Judas, le traître.
            Ensuite Jésus comparaît devant le tribunal religieux juif, réuni à la hâte durant la nuit, dans le palais du souverain sacrificateur. Il est conduit à Gabbatha, où il est présenté au gouverneur romain, qui seul était compétent pour donner aux Juifs l’autorisation de le faire mourir. Embarrassé, Pilate l’envoie à Hérode. Mais celui-ci, après l’avoir humilié, le renvoie à Pilate. Jésus est reconnu innocent par le gouverneur. Toutefois, il est livré aux Juifs, livré aussi à toute une cohorte de soldats qui le maltraitent. Ils lui crachent au visage, ils le fouettent, ils mettent une couronne d’épines sur sa tête et par dérision le revêtent d’un vêtement royal.
            Portant sa croix, Jésus est amené hors de la ville, à Golgotha, au milieu d’une foule haineuse et excitée. Là, il est crucifié entre deux malfaiteurs par des hommes iniques (Act. 2 : 23 ; Ps. 22 : 16).
            Aucune forme de souffrance ne lui est épargnée. Il y a des souffrances physiques, mais surtout d’indicibles blessures morales. Des moqueurs le mettent au défi de se sauver lui-même (Matt. 27 : 40). Or c’est précisément pour sauver les autres qu’Il reste sur la croix. Ils osent aussi provoquer Dieu et mettre en doute son amour pour Christ : « Qu’il le délivre maintenant, s’il tient à lui » (v. 43). Jésus ressent infiniment tous ces outrages. Même les brigands crucifiés avec lui l’insultent (v. 44). Tous ces hommes ne sont que des instruments entre les mains de l’Ennemi, qui les conduit tout en restant caché.
            Cependant, trois heures après la crucifixion, Dieu lui-même entre en scène de façon solennelle.


Les trois heures de ténèbres
  
            La Parole fait passer devant nos cœurs, sans que nous puissions y entrer vraiment, les trois heures de ténèbres – qui s’étendent « sur tout le pays » (Matt. 27, 45). C’est à ce moment-là que les souffrances du Seigneur ont un caractère expiatoire. Lui seul était capable de traverser tout ce que signifie l’abandon, la colère et la mort.
 
                        Tu souffris, ô Jésus, Sauveur, Agneau, Victime!
                        Ton regard infini sonda l’immense abîme,
                        Et ton cœur infini, sous ce poids d’un moment,
                        Porta l’éternité de notre châtiment.
 
            Devant ce mystère insondable, l’adoration seule a sa place. Encore faut-il s’en tenir à ce que dit l’Ecriture. Gardons avec le plus grand soin, surtout dans les paroles que nous prononçons au culte, le grand trésor que Dieu a bien voulu nous communiquer dans le récit de sa Parole. Ainsi seulement « notre communion… avec le Père et avec son Fils Jésus Christ » pourra se réaliser (1 Jean 1 : 3).
 
                        Oui, ton divin amour, dans ses plans adorables,
                        Pour nous soustraire à notre sort
                        Abandonna ton Fils aux coups inexorables
                        Du jugement et de la mort.
 
                        Jamais œil ne verra chose plus merveilleuse
                        Que la croix, où fut attaché
                        Le Prince de la vie, à l’heure ténébreuse
                        Où Dieu condamna le péché.
 
            L’Ecriture nous dit en effet que « Dieu - ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et pour le péché - a condamné le péché dans la chair » (Rom. 8 : 3).
            Citons les paroles d’un serviteur de Dieu au sujet de cette scène impossible à décrire : « Depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, il y eut des ténèbres sur tout le pays. Dieu a ainsi séparé son Fils, même par des circonstances extérieures, des outrages et des insultes – pour qu’Il soit seul avec Lui, et tout entier à cette œuvre unique. Il était seul avec Dieu, « fait péché pour nous » (2 Cor. 5 : 21) ; rien ne pouvait détourner les coups de la justice, rien ne pouvait les amortir. La puissance qui était en Lui ne le mettait pas à l’abri, toutefois elle le rendait capable de supporter ce qui s’appesantissait sur son âme : le sentiment de l’horreur de la malédiction, alors que l’amour du Père lui était familier, et le sentiment de ce que c’était d’être fait péché, éprouvé selon la sainteté divine qui était en lui. Il buvait la coupe du jugement de Dieu contre le péché. Tout le force à pousser ce cri – un cri qu’il nous est accordé d’entendre afin que nous sachions ce qui se passait à ce moment-là, la réalité de l’expiation : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Marc 15 : 34). Abandon que nul ne peut sonder, sinon Celui qui l’a ressenti. Dans la petite mesure où nous pouvons l’entrevoir, nous saisissons qu’il est plus terrible que tout ce que peuvent subir le cœur et le corps humain. Dans la bouche de Jésus, ce cri exprimait tout ce que son cœur à Lui, et ce cœur seul, pouvait sentir ! » (J.N.D., Notes sur l’évangile de Matthieu).
 

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? »
  
            C’est l’unique fois, durant sa vie ici-bas, que Jésus dit : « Mon Dieu ». Il s’adressait toujours à Lui comme à son « Père », exprimant ainsi sa relation avec Lui. Il pouvait lui dire : « Père, je te rends grâces de ce que tu m’as entendu. Moi je savais que tu m’entends toujours » (Jean 11 : 41-42). Il n’en a pas été ainsi à la croix. Ici, en l’appelant « Dieu », Jésus confirme son humanité. A ce moment, il a pris sur Lui la culpabilité du pécheur et c’est pour ce motif que Dieu l’a abandonné. Il « a porté nos péchés en son corps sur le bois » (1 Pier. 2 : 24).
            En ce moment unique, Jésus demande à son Dieu: « Pourquoi ? ». Pierre a pu dire, sans se tromper : « Seigneur, toi tu sais tout » (Jean 21 : 17). Jésus voulait que nous n’oubliions jamais pourquoi Il a été abandonné. C’est parce qu’Il avait pris notre place devant la justice de Dieu, en portant notre iniquité.
 
                        Ah ! notre iniquité fit peser sur ta tête
                        Un fardeau de douleurs indiciblement lourd.
 
            C’est aussi la seule fois où quelqu’un a été abandonné de Dieu. Et un juste ! Le psalmiste dit : «J’ai été jeune, et je suis vieux, et je n'ai pas vu le juste abandonné » (Ps. 37 : 25). Tant que dure le jour de la grâce, aucun homme ne peut crier à Dieu sans recevoir de réponse.
            Qui pourrait sonder l’abîme des souffrances de Christ à l’heure de l’abandon ? Celui qui était l’objet des délices du Père est seul – Lui qui disait auparavant à ses disciples : « Voici, l’heure vient… où vous me laisserez seul. Mais je ne suis pas seul, car le Père est avec moi » (Jean 16 : 32). Placé maintenant sous la colère de Dieu, Jésus boit la terrible coupe du jugement exigé par la justice de Dieu contre le péché. Nous ne pouvons pas mesurer le prix qu’Il a dû payer pour nous réconcilier avec Dieu, mais nous savons que la réconciliation a été faite. Cette œuvre a été accomplie durant les trois heures de ténèbres, lorsqu’Il était seul devant Dieu.
            « Quand donc Jésus eut pris le vinaigre, il dit : C’est accompli. Puis, ayant baissé la tête, il remit son esprit » (Jean 19 : 30 ; voir Ps. 69 : 21). Dans l’évangile selon Matthieu, Il crie de nouveau à voix forte (27 : 50). Il n’y a chez lui aucun signe d’épuisement.


Quelques passages de l'Ancien Testament évoquant ces heures de l'abandon

            D’autres passages de l’Ecriture nous aident à entrer quelque peu dans les sentiments intimes du Seigneur, et dans ses souffrances à cette heure suprême.
            La scène de Morija (Gen. 22 : 1-16) permet d’entrevoir la grandeur du sacrifice qu’a fait le Père au moment où Il a livré son Fils unique et bien-aimé et l’a « soumis à la souffrance » (Es. 53 : 10). Pesons ces expressions remarquables : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes » (v. 2). « Ils allaient les deux ensemble» (v. 6, 8). Entendons Abraham répondre à son fils : « Dieu se pourvoira de l’agneau pour l’holocauste » (v. 8). Puis ce père bâtit lui-même l’autel, y lie son fils et prend un couteau pour l’égorger. Dieu l’arrête alors en criant des cieux, et amène près de lui un bélier qui sera substitué à Isaac. Mais rien de comparable ne pouvait avoir lieu à la croix. En adorant, pensons à « Celui même qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous » (Rom. 8 : 32).
            Le chapitre 3 des Lamentations de Jérémie s’applique littéralement au prophète lui-même, mais celui-ci est manifestement un type de Christ. «Je suis l’homme qui ai vu l’affliction par la verge de sa fureur. Il m’a conduit et amené dans les ténèbres, et non dans la lumière. Certes c’est contre moi qu’il a tout le jour tourné et retourné sa main» (v. 1-3).
            Au premier verset du Psaume 22 déjà cité, nous trouvons les paroles qui sont sorties de la bouche du Seigneur à la fin des moments les plus douloureux pour Lui de l’œuvre de la croix, ceux de l’abandon de Dieu. Ce Psaume donne un aperçu de cet insondable sujet : les sentiments et les requêtes de Christ pendant les heures de la croix, en particulier au moment de l’abandon de son Dieu. Jésus n’a jamais cessé de se confier en Celui qui, pour un moment, ne pouvait pas lui donner de réponse.
            En nous occupant d’un tel sujet, prenons garde à l’activité de notre esprit humain, qui a tendance à tout sonder et à tout expliquer. Ne faisons pas comme les gens de Beth-Shémesh qui ont voulu regarder dans l’arche, alors que Dieu avait interdit à tout regard humain d’y pénétrer (1 Sam. 6 : 19). Recevons avec foi et simplicité ce que Dieu nous révèle, et recevons-le avec notre cœur. Ne cherchons pas à harmoniser des faits attestés par les Ecritures, même si, pour notre esprit, ils semblent difficilement compatibles. Souvenons-nous que Dieu est infiniment au-dessus de nous. Ses « voies » et ses « pensées » sont au-dessus de nous « comme les cieux sont élevés au-dessus de la terre » (Es. 55 : 9).
            La relation entre le Fils et le Père est indissoluble. Le Père a trouvé ses délices dans son Fils qui a accompli toute sa volonté en s’offrant « lui-même à Dieu sans tache » (Héb. 9 : 14). « Le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, comme offrande et sacrifice à Dieu en parfum de bonne odeur » (Eph. 5 : 2). « Celui qui n’a pas connu le péché, [Dieu] l’a fait péché pour nous, afin que nous devenions justice de Dieu en lui » (2 Cor. 5 : 21).

                                                                Ph. L - Article paru dans le "Messager évangélique" (09/2011)