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MEDITATIONS SUR LE LIVRE DES JUGES (16)

 

Le livre du déclin
            Rappel des trois parties principales du livre des Juges
                      L'impossibilité de jouir de l'héritage
                      Christ, notre héritage
                      Les conséquences du fait de ne pas chercher à saisir Christ
                      La corruption intérieure pleinement manifestée
            Tenir ferme pour Christ en un jour de ruine
 

Le livre du déclin

            Normalement et selon un ordre spirituel, le livre des Juges aurait dû nous montrer l’achèvement de ce que Josué avait commencé. Celui-ci présente Israël entrant dans les bénédictions de l'héritage que Dieu lui avait donné ; en type, ce livre nous dit que nous sommes « bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Eph. 1 : 3). Celui des Juges aurait dû par conséquent placer simplement devant nous la progression du peuple dans la jouissance de son héritage, mais nous n’y trouvons que régression dans l'appréciation des pensées de Dieu.
            Le livre de Josué s'ouvre sur celui des Juges, deuxième volet de cette page de l'histoire d'Israël. Nous y voyons, hélas, que les jours s’assombrissent, non parce que Dieu a changé ses promesses de bénédiction, mais simplement parce que la foi pour s'en emparer a baissé. Lorsque la foi faiblit, quand on s’écarte de Dieu, il est certain que l’Ennemi s’attaquera au peuple de Dieu, d’une façon ou d’une autre. Tous ces récits soulignent les dangers de l’éloignement d’avec Dieu. Au lieu d’ajouter à son héritage, le peuple le perd. Dans ce livre, Dieu veut nous montrer la folie du déclin, et ses conséquences inévitables.

 

                        Rappel des trois parties principales du livre des Juges

            La première, comme une introduction, s'étend jusqu’au verset cinq du chapitre trois. Elle nous présente la rébellion du peuple envers Dieu. La deuxième, la principale, qui va jusqu’au chapitre 16, montre la conséquence de cette rébellion : l’esclavage – mais aussi la grâce de Dieu sans cesse en activité qui vole au secours de son peuple pour le restaurer. Cette deuxième partie donne le thème général du livre : le déclin et ses causes.
            La troisième partie est formée des cinq derniers chapitres : la corruption intérieure est pleinement manifestée, elle est pire encore que l’esclavage présenté précédemment.

                                    L'impossibilité de jouir de l'héritage

            Dans la première partie, le point important réside dans le fait que les Israélites n’ont pas répondu à la pensée de Dieu à leur égard, en n’entrant pas en possession de ce que l'Eternel avait mis dans leurs mains. Les ennemis occupaient leur héritage et les empêchaient d’en jouir. Pour le posséder, ils devaient chasser l’ennemi, dans l’énergie de la foi et l’obéissance à Dieu. Les maisons qu’ils n’avaient pas construites, les vignes qu’ils n’avaient pas plantées, les puits qu’ils n’avaient pas creusés, - tout était prêt pour qu’ils en profitent.
            Qu’avons-nous eu à faire pour acquérir notre héritage ? Rien, nous avons juste à y entrer. Cette expression est très vraie, nous devons simplement entrer dans les bénédictions que Dieu nous a préparées ; ce qu’il nous faut, c’est le garder simplement par l’obéissance de la foi en résistant au diable (Jac. 4 : 7) qui voudrait nous l’ôter par tous les moyens en nous empêchant d'y entrer pratiquement alors qu'il nous est donné et pleinement révélé dans la Parole de Dieu. L’Ennemi étant repoussé par la foi et l’obéissance à la volonté de Dieu, nous pouvons alors en jouir.
            Dans la première partie, nous voyons que le peuple ne parvient pas à occuper le pays, malgré quelques succès encourageants au début. Incapables de faire ce que Dieu leur avait dit, ils sont exposés aux nouveaux assauts de l’ennemi. Car, comme nous le savons par expérience, un ennemi à demi vaincu est un ennemi invaincu ; à moins de renverser complètement la puissance du mal qui veut nous refouler dans un coin de notre héritage, nous la retrouverons tôt ou tard. Nous pensons pouvoir assujettir cet ennemi pour un temps, le considérer peut-être comme secondaire, prétendre exercer sur lui un certain contrôle, comme le disent parfois certains au sujet de la chair, mais s’il n’est pas vraiment vaincu, il nous asservira un jour, soyons-en certains. C’est ce qu'il nous faut retenir de ces premiers chapitres.
            Juda commence bien, par de brillants succès ; s’il avait continué ainsi, dans l’obéissance absolue à Dieu, il aurait pris le contrôle entier de son lot. En fait, aucune autre tribu n’a pris, comme Juda, possession des territoires qui lui était confiés ; il est le premier. On peut dire que Juda représente la perception de Christ comme étant la part de son peuple. Jacob ne le dit-il pas déjà prophétiquement à ses fils assemblés : « Toi, Juda, tes frères te loueront » (Gen. 49 : 8) ? Ah, si nous pouvions entrer davantage dans la compréhension de la vérité qui produit l’esprit de louange parmi le peuple de Dieu !
            Après Juda, avec une triste régularité, les tribus, l’une après l’autre, échouent à faire ce que Dieu avait mis devant eux. Benjamin, ne parvenant pas à prendre Jérusalem, doit vivre en compagnie des Jébusiens. Quel mélange ! Comme nous l’avons vu, Benjamin a tellement été influencé par cet entourage qu’il a dû être traité comme ces païens, considéré comme ennemi de Dieu, au point d’être presque anéanti. Cela n’est-il pas la conséquence d’avoir échoué à prendre possession de Jérusalem au début ?
            De même, les grandes et fortes tribus de Joseph, Ephraïm et Manassé, ne parviennent pas à chasser l’ennemi de leur territoire ; les ennemis vivent dans une ville, et eux dans une autre. Et ainsi, l’une après l’autre, ces différentes tribus ne parviennent pas à prendre possession de ce que Dieu leur avait donné.
            Il est facile d’en parler. Il est facile de dire que Manassé aurait dû avancer pour chasser ceux qui habitaient son lot, et qu’Ephraïm comme Zabulon, Aser, Nephtali et Dan ont tous échoué en leur lieu. Mais qu’en est-il de nous individuellement, de façon pratique ? Possédons-nous tout notre héritage ? Que partageons-nous avec l’Ennemi ? Jouissons-nous de tout ce que Dieu nous a donné ? Si ce n’est pas le cas, nos noms peuvent être ajoutés à ceux dont il est dit : « Ne l’ayant pas dépossédé, l’ennemi habite avec eux ».
            Nous pouvons rendre l'ennemi tributaire et l’avoir sous contrôle en apparence, mais, même assujetti au tribut, il est plus dangereux que sur le champ de bataille, pour la simple raison que nous avons des liens avec lui, comme Israël ici. Ils se marièrent avec les gens du pays, et ces mariages mixtes les conduisirent à adopter leurs dieux et à être asservis à leurs ennemis.
            Notons l’ordre des choses dans la progression du mal : ils ne réussissent pas à chasser les ennemis, ils les rendent tributaires, ils se lient avec eux par mariages, ils adoptent leurs faux dieux et s’éloignent de Dieu, et enfin, conséquence inévitable, Dieu les livre à un ennemi pour leur faire goûter l’amertume de s’être écarté de Lui.
            Quant à nous, quelle application pratique pouvons-nous en faire dans notre vie quotidienne ? Nous arrive-t-il de ne pas aller au bout du jugement de nos mauvaises pensées, et de penser les contrôler en nous les rendant pour ainsi dire tributaires ? Retenons-nous un principe mauvais sans l’avoir ôté de nos esprits et jugé complètement ?
            Comment peut-on faire usage de principes mauvais en soi, en pensant les contrôler et espérer en être gardé ? Si je fais usage d’une mauvaise chose, je suis lié à ce mal. Et si je suis lié au mal, il est inévitable que je lui serai asservi et, hélas, conduit à une idolâtrie quelconque qui m'entraînera à suivre mes propres pensées, au lieu de me plier à la volonté de Dieu. Par exemple, la Parole nous parle de « la cupidité (qui est de l'idolâtrie) » (Col. 3 : 5).

                                    Christ, notre héritage

            Dans sa sagesse et sa bonté, l’enseignement sur lequel Dieu insiste, exemple après exemple, dans la première partie de ce livre, est que si nous n’avançons pas et ne faisons pas de progrès, nous reculerons ; si nous n’entrons pas dans ce que Dieu nous a donné dans sa Parole, nous perdrons ce que nous avons déjà, ou, comme il est dit dans le Nouveau Testament : « A quiconque a il sera donné, et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté ». (Matt. 25 : 29). Nous en serons privés quant à la jouissance, mais, grâce à Dieu, non pas quant à notre avenir éternel. N’avons-nous pas des exemples, dans nos vies, où n’ayant pas progressé, nous avons reculé ? Ce qui se passe dans nos cœurs, chaque jour de notre vie ne rappelle-t-il pas l’histoire d’Israël avec ses progrès et ses déclins ?
            En parlant de nos bénédictions nous devons être clairs, il ne faut pas que ce soit vague. Chacune de nos bénédictions étant en Christ et liée à Lui, il est absolument impossible, pour les saints, de jouir de leurs bénédictions sans jouir de Christ. Il est impossible de nous nourrir des vérités de Dieu sans qu’elles nous mettent en contact personnel et en communion avec le Fils de Dieu Lui-même. Ainsi, l’échec des fils d’Israël à entrer en possession de leurs lots représente notre échec spirituel et celui de l’Eglise au sens large, non seulement à appréhender certaines vérités, mais à saisir Christ dans sa plénitude.
            Toutes les bénédictions qui se trouvent dans la Parole de Dieu n’ont de beauté et de valeur, que parce qu’elles sont en Christ, et en Christ seul. Si Dieu nous donnait toutes les promesses de sa Parole, s’Il nous ouvrait le ciel même dans toute son ineffable beauté, et que nous n’y trouvions pas Christ, il n’y aurait ni bénédiction, ni héritage. Que serait le pardon, s’il n’était pas en Christ ? Que serait la paix avec Dieu ? Nous ne pourrions pas l’avoir, si ce n’est par notre Seigneur Jésus Christ.
            Par conséquent, qu’il est solennel de penser que si son peuple ne réussit pas à prendre possession de son lot, il ne saisit pas Christ. Ainsi, en Philippiens 3, Paul, cherchant à saisir ce pour quoi il avait été saisi par Christ, dit, résumant cela en un mot : « pour le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances » (Phil. 3 : 10). Les pères sont caractérisés par la connaissance de Celui qui est dès le commencement (1 Jean 2 : 13). Aussi, chercher à mieux connaître Christ, comme Il nous est révélé dans la Parole de Dieu, c'est ce que signifie chercher à connaître notre héritage et nos bénédictions qui sont en Lui.

                                    Les conséquences du fait de ne pas chercher à saisir Christ

            Si nous ne persévérons pas à connaître toujours plus ce que nous avons en Christ, nous ne rencontrons que servitudes sur servitudes. Il est dit comme un douloureux refrain que le peuple faisait le mal, se détournait de Dieu, et s’unissait aux gens du pays. Par conséquent, Dieu les vendait aux mains des ennemis l’un après l’autre. Ils étaient ainsi humiliés et amenés au sentiment de leur impuissance, de leur faillite, et de leur éloignement de Dieu. Quand il n’y avait plus aucun secours et qu'ils criaient à Lui, Dieu leur suscitait un sauveur pour les délivrer.
            Nous allons voir dans chacun de ces ennemis et chacune de ces servitudes, quel mal est figuré, ce qui n’est pas de Christ ou qui lui est contraire, et dont l’Ennemi se sert pour nous ravir ce que nous avons en Lui. Ensuite, dans le sauveur suscité par Dieu, nous verrons quel caractère de Christ, qu’il a saisi, lui permet de remporter la victoire sur la puissance qui l’asservissait. Ces deux pensées se complètent. Chacun sait sûrement, dans une mesure au moins, quelle est la puissance de l’ennemi, la puissance de ce qui n’est pas Christ. C’est d'elle que l’apôtre Paul parle quand il écrit : « Ce n'est pas ainsi que vous avez appris le Christ » (Eph. 4 : 20). Il ne s’agit pas tant du mal en soi, mais du fait que ce n’est pas Christ. Quelle qu’en soit la cause, c’est ne pas saisir ce qu’Il est.
            Voyons brièvement le caractère de ces ennemis : Le premier esclavage est rapporté aux versets 5 à 11 du chapitre 3 : ils servent le roi d’Aram, ou de Mésopotamie, du nom de Cushan-Rishhathaïm. Nous avons vu qu’Aram signifie « exalté », et que la Mésopotamie est liée à Babylone ; la plaine de Shinhar, là où Israël a été amené en captivité, en faisait partie. Ils sont donc assujettis au roi « exalté ». La première chose opposée à Christ et qui assujettit le peuple de Dieu, est l’exaltation de l’homme dont le roi est appelé Cushan-Rishhathaïm, Cushan signifiant « noir » et Rishhathaïm « double iniquité ». Ce nom : « noirceur d’une double iniquité » est suffisamment éloquent pour montrer combien cet ennemi doit être mauvais.
            Avec un nom pareil, cet ennemi doit vraiment être l’opposé de Christ. Ici-bas, notre Seigneur était « débonnaire et humble de cœur » (Matt. 11 : 29). Il ne cherchait pas de grandes choses pour Lui-même. Du moment où Il a quitté la gloire du ciel et jusqu’à ce qu’Il y retourne, Il a eu une vie de renoncement et d’humilité. Il s’est anéanti, rendu impopulaire ; son chemin a été un chemin d’abaissement, jusqu’à la croix. C’est tout le contraire d’Aram, de l’exaltation. Quant au croyant et à l’Eglise, quel est le secret de toute bénédiction ? N’est-ce pas cette humilité d’esprit qui était en Christ ? Tant que nous restons humbles, nous fuirons la puissance de l’Ennemi ; mais, hélas, si nous nous élevons dans nos cœurs et si nous nous exaltons, nous ne ferons que suivre le premier grand transgresseur, Satan lui-même qui s’est élevé contre Dieu.
            L’orgueil est l’ennemi numéro un, c’est le plus grand mal qui soit – la noirceur d’une double iniquité ; c’est ce qui a fait tomber Satan ; sa splendeur a causé sa chute. Quelle contradiction : sa beauté est ternie, parce qu’il a cherché à s’élever à cause de cette beauté même. Ainsi, quand un chrétien s’élève, étant satisfait de lui-même et plein d’orgueil, c’est le plus grand mal qui soit, parce que c’est l’exaltation de soi dans un esprit d’indépendance, c’est donc tout l’opposé de ce que Christ a été. Il y a beaucoup de prétention et de contentement de soi à Ephèse et à Laodicée au début de l’Apocalypse – autrement dit pendant toute l’histoire de l’Eglise.

            Ensuite, vient celui qui sauve le peuple de son état. Si l’ennemi est ce qui n’est pas de Christ, celui qui va les délivrer présente un caractère de Christ qui répond au caractère de cet esclavage qui n’est pas selon Lui. Othniel, le libérateur, représente un esprit de foi qui ne compte que sur Dieu. Son nom - « lion de Dieu » - indique que la puissance de Dieu intervient. L’orgueil ne fera usage que de sa propre puissance ; il ne reconnaîtra jamais qu’il en a besoin d’une autre. Quand le peuple reconnaît sa faiblesse et sa servitude, Othniel intervient – la puissance de Dieu opère pour nous. Christ est « la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu (1 Cor. 1 : 24). Le vrai remède, si nous sommes esclaves de l’orgueil, du moi et de ce qui met le moi sur un piédestal aux dépens de Dieu, c’est Christ Lui-même, Christ comme la puissance de Dieu, par qui sont toutes choses. Si nous sommes prêts à reconnaître qu’il n’y a pas de force en nous, qu’il n’y a rien en nous, et que Christ est tout, comme Othniel, Il interviendra.
            Othniel n’est pas vraiment un type de Christ. Les juges, d’ailleurs, ne ressemblent guère à Christ ; à la fin, ils sont même tout le contraire de Christ. Saisir Christ par la foi, dans les caractères de ce juge, nous donnera pratiquement la délivrance qui est ici en type.

            Suit une autre période de déclin, et un autre libérateur. Nous avons vu en Moab la servitude à une parenté selon la chair qui n’a pas de relation spirituelle avec le peuple de Dieu. Moab, un des enfants de Lot, représente une relation extérieure sans réalité intérieure, c’est la profession. La profession est un ennemi terrible qui s’empare du peuple de Dieu. Hélas, l’Eglise a été maintes et maintes fois sous le terrible cauchemar d’une profession stérile, sans Christ. Les formes ont pu être orthodoxes, les choses ont pu être tout à fait scripturaires, et pourtant il n’y avait ni puissance, ni joie spirituelle, rien qui réponde à la réalité vivante. Les fils d’Israël, le vrai peuple de Dieu, ont été esclaves de cette profession qui dérobe toute jouissance de l’héritage. La profession est l’opposé de Christ. Connaître Christ, ce n’est pas être religieux ou professant, c’est avoir communion avec le Père et le Fils dans une réalité vivante.
            La profession peut se faire une place confortable dans le monde, élever ses édifices religieux, avoir ses services religieux, avoir ses œuvres philanthropiques, et pourtant être glaciale, car elle met Christ de côté. On peut être membre d’une église, être un serviteur, tout en ayant un cœur vide. C’est Christ qui doit être notre part, non pas la profession.
            Le remède contre cette profession qui dit être de Christ, mais qui ne l’est pas, est de confesser Christ. Ehud, qui va les libérer de la puissance de la profession, est un « confesseur », comme l’indique son nom. Avec une épée, qui évoque l’épée de l’Esprit, la Parole de Dieu, il délivre le peuple de Dieu pour qu'il n'ait pas qu’une profession sans la vie divine. Christ est le vrai Ehud, dans toute sa plénitude. Il est le témoin fidèle, celui qui a toujours confessé Dieu, et parce qu’Il l’a confessé dans ce monde, Il en a été rejeté. Il est le vrai Confesseur. La puissance de l’Ennemi, qui voudrait nous amener à n’avoir qu’une simple profession, est renversée par la confession de ce que Christ est, et la jouissance du Seigneur Jésus dans l’âme.
            Le peuple de Dieu est en danger de n’avoir qu’une profession. En restant sur des expériences passées, au lieu d’avoir une communion présente, il est sous la puissance de Moab, car Moab demeure dans le passé, en un sens. Nous risquons de faire de nos expériences passées, un terrain de profession. Si nous jouissons de Christ de façon vivante, nos lèvres le confesseront.
            Mais n’y a-t-il pas autre chose à confesser ? Il nous faut confesser l’état réel des choses, et c’est en reconnaissant que la profession n’est que néant et vide et en le confessant, que la puissance de Christ viendra nous en libérer. Sommes-nous horrifiés à la pensée d’être des professants ? Alors reconnaissons cet état de choses devant Dieu et confessons-le ; il y aura au moins de la réalité, et là où il y en a, Christ s’y trouvera.
            Souvenons-nous de la similitude qu’il y a entre l’esclavage de Moab et l’état de l’église à Pergame.

            Nous arrivons à l’ennemi suivant, Jabin, roi de Hatsor, et à Debora et Barak, qui l’ont renversé. Nous avons vu que Jabin avait été vaincu par Josué plus de 100 ans auparavant ; or il ressuscite avec la même puissance, et à moins de l’intervention de Dieu, tout le pays d’Israël était sous son emprise. Son nom signifie « intelligence ». C’est l’intellect humain qui s’exalte contre la connaissance de Dieu. C’est le contraire de ce qu’a réalisé Christ, qui a apporté toute sa connaissance aux pieds de son Père. Sa seule pensée était de faire sa volonté. C’est ce qu’Il a aussi placé devant les hommes : « Si quelqu’un veut faire la volonté de celui qui m'a envoyé, il connaîtra, au sujet de cette doctrine, si elle vient de Dieu, ou si je parle de par moi-même » (Jean 7 : 17). Christ est diamétralement opposé à Jabin. La véritable intelligence spirituelle, c’est de connaître Christ, car en Lui « sont cachés tous les trésors de la sagesse et la connaissance » (Col. 2 : 3). Quand l’Eglise s’est tournée vers la philosophie au lieu de Christ, elle s’est mise sous la domination de Jabin – de l’intellect humain.
            Il n’y a qu’un remède à cela ; c’est ce que nous voyons dans Debora et Barak. Debora signifie « la Parole » et Barak, « la foudre » - la puissance de cette Parole, appliquée. Quand la faiblesse – ce qu’évoque la femme – applique la Parole de Dieu à la sagesse et à l’intelligence de l’homme, celle-ci est réduite en poussière. La victoire est remportée quand, dans le sentiment de notre faiblesse, Christ nous est présenté – un Christ dépourvu de la force que le monde apprécie. Le monde méprise la Parole de Dieu qui nous présente un tel Christ.
            La faiblesse caractérise non seulement Debora et Jaël, mais aussi Barak qui hésitait, impuissant, jusqu’à ce que la foi d’un vase plus faible, d’une femme, le presse à faire ce que Dieu voulait. Tout le récit parle de faiblesse, et pourtant, c’est le plus brillant de tout le livre.
            La victoire de Debora et de Barak sur Jabin est peut-être plus complète que les autres. Elle est célébrée dans un chant de triomphe. Ce cantique célèbre simplement la faiblesse – faiblesse qui exalte Christ, comme l’expose l’apôtre Paul : « Lorsque je suis faible, alors je suis fort » (2 Cor. 12 : 10) et ailleurs, « Je peux tout en celui qui me fortifie » (Phil. 4 : 13). Debora et Barak chantent ce beau chant de louange et de triomphe, une fois le combat terminé. C’est le seul chant de louange dans tout le livre des Juges. Il y en aurait eu davantage, si la faiblesse qui s’appuie sur la force toute-puissante de Dieu avait été plus ressentie. Les triomphes auraient été plus grands et plus durables, s’il y avait eu plus de Debora effacées, dont le nom présente simplement Christ, tel qu’il est révélé dans la Parole de Dieu. Si Dieu doit se servir de nous, soyons revêtus de Christ, afin que ceux qui nous voient ne pensent pas à l’instrument que Dieu utilise, mais à Christ Lui-même, et à la vérité qui est en Lui.
            Le froid intellectualisme de Sardes - la période protestante de l’histoire de l’Eglise - répondrait à l’esclavage de Jabin et à celui d’Ammon, tandis que dans les vainqueurs, nous voyons un peu l’esprit de Philadelphie.

            Ensuite vient Gédéon, dont les leçons nous sont bien connues. La puissance de Madian est là. Les Madianites, qui avaient amené Joseph en Egypte, représentent ce qui entraîne le peuple de Dieu dans le monde. Madian signifiant « conflit », ils font penser aux luttes venant des voluptés qui combattent dans nos membres, comme le dit l’apôtre Jacques (4 : 1). Cette invasion madianite est l’invasion terrible du monde dans l’église professante. On la voit partout aujourd’hui. Il n’y a rien de Christ, car le monde ne représente jamais Christ, mais tout le contraire. Partout où le monde prend une place dans le cœur, il en chasse Christ.
            La raison est évidente. L’apôtre Jean dit que tout ce qui n’est pas du Père, est du monde. Notons que dans l’évangile de Jean, le Seigneur parle toujours du Père. C’était sa joie de confesser le Père ; c’est le plaisir du monde de supplanter le Père. Donc, ce qui n’est pas de Christ, lui est opposé ; tel est le monde, qu’il entre dans nos cœurs individuellement, ou qu’il opprime l’Eglise collectivement.
            Gédéon va libérer le peuple de la puissance de Madian. Pour cela, comme pour Debora et Jaël, la faiblesse est manifestée, et maintenant, elle doit être complète ; non seulement Gédéon, mais tout le peuple doit réaliser sa faiblesse. Dans ce récit, la pensée constante est le dépouillement d’une chose après l’autre, d’un soutien après l’autre, jusqu’à ce que Gédéon soit laissé, avec sa petite troupe, en présence de cette puissante horde qui couvre toute la surface du pays. Ils ne sont que 300, avec des trompettes et des torches, sans même une épée en main, si ce n’est celle sur leurs lèvres, quand ils crient : « L’épée de l’Eternel et de Gédéon !» (Jug. 7 : 20). C’est l’épée de la Parole (Eph. 6 : 17), plutôt que l’épée maniée à la main.
            Ils sont dépouillés de toute force, au point d’être assimilés à un gâteau de pain d’orge, roulant au milieu du camp et abattant une tente. Ils sont presque cela, vraiment ; ils sont l’objet du mépris de l’ennemi. Mais dans leur faiblesse et leur impuissance, ils ont sur leurs lèvres l’épée de l’Eternel ; et si cette épée est de leur côté, que feraient-ils d’une épée d’homme ? Si la trompette dont ils font usage proclame la puissance de Dieu et si la lumière qu’ils détiennent peut briller, s'ils sont « comme des luminaires dans le monde, présentant la parole de vie » (Phil. 2 : 15-16), quel besoin ont-ils de l’aide de l’homme ? Ainsi, Gédéon et sa petite troupe nous parlent de la puissance du Christ qui repose sur la faiblesse de l'homme. Paul pouvait dire : « Je me glorifierai donc très volontiers plutôt dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ demeure sur moi. » (2 Cor. 12 : 9).
            Nous voyons la puissance du monde à Pergame, à Sardes et à Laodicée, alors qu’en Gédéon nous voyons les vainqueurs dans les églises, dont celle à Philadelphie.

            Ensuite nous passons à Jephté. L’ennemi est maintenant Ammon, le frère de Moab. Il représente la profession, comme Moab, non plus sous l’aspect sensuel et mondain, mais plutôt sous l’aspect intellectuel, étroitement lié à Jabin. Il suggère le rationalisme glacial qui s’empare de l’Eglise. Les fils d’Ammon revendiquent leur droit à l’héritage qu’Israël occupe depuis longtemps. Ce que nous avons dit de Jabin, concernant la façon de considérer la parole de Dieu, s’applique aussi ici. Les rationalistes la lisent de façon purement intellectuelle, estimant qu’elle peut être critiquée, passée au crible pour en éliminer les fautes et garder ce que l’on peut accepter. S’autoriser cela est opposé à l’esprit de Christ qui a toujours magnifié la Parole de Dieu ; toute question était réglée quand il citait l’Ecriture. Quelle leçon ! Le Fils de Dieu coupait court à toute discussion, en citant simplement la Parole de Dieu. Le rationalisme voudrait nous priver de ce caractère de Christ qui est la fidélité à la Parole de Dieu. Les fils d’Ammon disent que nous pouvons être chrétiens de nom, des professants, tout en niant la Parole de Dieu qui est notre titre au christianisme. Ammon ne règne-t-il pas autour de nous aujourd’hui, quand on voit l’homme trafiquer la Parole de Dieu par son intelligence humaine, et se permettre de la juger au lieu d’être jugé par elle.
            Quelle terrible oppression ! La délivrance vient par Jephté, qui signifie « il ouvre ». Ainsi, Christ a ouvert l’intelligence des disciples pour comprendre les Ecritures (Luc 24 : 32), et Il nous ouvre la Parole de Dieu, pour être libérés du rationalisme. Il nous a ouvert le ciel, afin que nous connaissions notre position devant Dieu. Il est le Révélateur, Celui qui nous rend claire la Parole de Dieu. C’est parce qu’Il nous l’ouvre, que nous sommes délivrés des raisonnements de la chair et de la puissance de l’intellectualisme. Y a-t-il plus misérable que celui qui est esclave de son propre raisonnement, et qui s’en glorifie ?

            Essayant de voir simplement comment Christ est chaque fois le remède à ces maux, nous passons rapidement sur le reste de la vie de Gédéon, et de celle de Jephté ; nous ne nous attardons pas non plus sur la sombre histoire d’Abimélec.
            Nous pouvons résumer tout cela en quelques mots. Gédéon aspire au sacerdoce, supplantant ainsi Christ ; Abimélec s’empare du pouvoir royal, prenant la place que Christ seul peut occuper ; Jephté, dans sa dureté, ne reflète pas la douceur et la bonté de Christ qui ne sont pas moins efficaces pour diriger, car la direction du Seigneur se réalise dans l’amour et la grâce.

            Enfin, après Jephté, nous voyons l’invasion, ou plutôt la suprématie des Philistins, et la délivrance que Dieu va opérer par le moyen de Samson, le Nazaréen. Les Philistins représentent encore la profession mais d’une manière plus forte. Au début, nous les voyons associés à Moab, en ce que Shamgar les a vaincus juste après la victoire d’Ehud sur les Moabites. Les Philistins représentent une profession plus active, qui affirme sa suprématie, qui veut donner son nom à tout l’héritage du peuple de Dieu et en assurer le contrôle complet.

            Nous voyons Christ tout au long du livre. En prenant chacune des délivrances et en remplaçant le libérateur par Christ Lui-même, la seule puissance qui peut vraiment nous délivrer, nous aurons non pas une délivrance partielle et incomplète comme dans les Juges, mais une vraie victoire, véritable et durable par Christ. « Grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ. »

                                    La corruption intérieure pleinement manifestée

            Nous arrivons à la troisième et dernière partie du livre. Nous n’en parlerons que dans le cadre du sujet placé devant nous. L’introduction de l’idolâtrie venait du fait que le peuple n’acceptait pas Christ comme l’image du Dieu invisible ; ils cherchaient à se faire une image de Dieu selon leurs propres pensées, une conception partielle et pas comme Il s’est révélé dans la personne de notre Seigneur. Alors, quand Dieu est altéré dans les pensées, l’idolâtrie arrive et l’homme se corrompt rapidement. Dans la terrible corruption à Guibha et la façon avec laquelle l’affaire a été traitée, nous avons vu, quand Dieu est abandonné et que Christ comme l’image et le représentant de Dieu est mis de côté, comment l’homme méprise son prochain, et en arrive à commettre contre lui toutes les abominations auxquelles les gens de Sodome se livraient.
            Quel tableau terrible du cœur humain ! Quand Israël fait justice – en propre juste – pour traiter ce mal affreux toléré par la tribu de Benjamin où il avait été commis, on voit l’impuissance de la vengeance humaine à accomplir la justice de Dieu. La discipline est exercée à l’extrême, anéantissant presque toute une tribu. Agir charnellement est totalement inefficace ; Dieu doit les briser, les humilier et leur enseigner encore cette leçon de la faiblesse humaine, sur laquelle il est insisté tout au long du livre.
            Tout se résume dans l’expression finale : « En ces jours-là, il n’y avait pas de roi en Israël » (Jug. 21 : 25). Le soupir qui parcourt tout le livre s’exprime là ; il montre le désir que l’Esprit de Dieu a mis dans le cœur du peuple : la venue de Christ Lui-même. C’est le seul remède au mal parmi nous.


                        Tenir ferme pour Christ en un jour de ruine

            En arrivant à la fin de notre étude, nous insistons sur l’énorme responsabilité qui pèse sur ceux dont les yeux ont été ouverts aux réalités sur lesquelles nous nous sommes arrêtés. Où sont les Gédéon, les Jephté, les Barak ? Où sont les apôtres, les martyrs, les témoins de l’Eglise ? Ils ont disparu. Ils ne peuvent plus se tenir à la brèche, ou élever la bannière de Christ. « Ils se reposent de leurs travaux » (Apoc. 14 : 13), attendant la récompense de leur fidélité.
            Mais l’Ennemi est toujours là, comme nous l’avons vu abondamment, et l’Eglise est toujours là pour maintenir le témoignage à la vérité face au mal qui abonde. Hélas, les esclavages spirituels sont un fait actuel - mais où sont les libérateurs ?
            Les cherchons-nous près de nous, ou au loin ? Ne pensons pas à quelqu’un dont le nom et le service sont connus, mais qui est à l’autre bout du monde, regardons près de chez nous. Si nous pleurons sur les désolations, si nous avons faim de la Parole de Dieu, si nous sommes brisés et impuissants, alors pourquoi pas nous ? Pourquoi Dieu ne nous utiliserait-Il pas, malgré notre faiblesse, comme instrument pour délivrer son peuple ?
            Quel honneur et quelle joie d’être jugés dignes de tenir ferme pour Christ, pour son Eglise, pour la vérité, en un jour de ruine ! Tenir ferme, le confesser, mourir pour Lui, s’il le faut ! L’ensemble du peuple a-t-il succombé, les principes sont-ils abandonnés, les intérêts de Dieu sont-ils délaissés ? Alors, au nom de Christ, n’y en aurait-il qu’un pour maintenir la vérité, qu’il le fasse. Le Tout-puissant est avec lui !

            En parcourant l’ensemble du livre depuis le début, nous voyons que le grand absent est Christ ; le Fils de Dieu n’a pas la suprématie, son autorité et sa puissance manquent partout. Seuls, de temps à autre, on voit brièvement quelques aperçus de Christ qui s’évanouissent dans une nuit plus sombre, parce que Christ Lui-même n’est pas là.
            Si Christ n’a pas autorité sur l’âme, il ne peut y avoir de restauration pour l’Eglise, ni de position juste. Nous pouvons être froidement rigoureux sur le plan théologique et ecclésiastique, dénoncer le mal des systèmes et les incohérences des chrétiens professants, être pharisiens dans notre conduite, mais nous ne sommes rien, à moins d’avoir Christ – Christ dans sa Personne bénie, dans sa toute-suffisance, dans la plénitude de son amour et l’attrait de sa Personne. Il est le seul qui puisse diriger et délivrer son peuple. C’est Lui qu’il nous tarde de voir.
            Il y a une joie dans les conflits, une joie à garder la vérité, une joie à faire face à l’Ennemi, si c’est par la foi, une joie à s’abaisser et à réaliser notre faiblesse ; toutes ces joies ne sont qu’un avant-goût de cette grande joie que nos cœurs attendent avec Lui, celle de Le voir. Et quand nous le verrons, que son Église le verra, lorsque nous serons pris pour être avec Lui, alors, et alors seulement, nous serons conformes à son image. Mais ici-bas, pour être ses représentants, nous lui ressemblerons pratiquement et lui serons en témoignage, dans la mesure où il aura autorité sur nos pensées, nos motifs, nos désirs , et sur toutes nos vies, de sorte que nous pourrons dire avec Paul : « Pour moi, vivre, c’est Christ. » (Phil. 1 : 21).

            Au milieu de la confusion dans laquelle nous vivons et de la désolation que l’orgueil et l’égoïsme de l’homme ont introduites, face à la méchanceté de Satan et des séductions du monde, quelle bénédiction de pouvoir dire avec un autre cantique : J’ai entendu la voix de Jésus, ne me dites rien de plus ; j’ai vu le visage de Jésus, toute mon âme est émue.
            
Nous satisfait-Il, remplit-Il nos âmes ? A-t-Il pris possession de nous et marchons-nous en communion avec Lui ? Si c’est le cas, malgré la ruine qui nous entoure, et face au poids de notre responsabilité, nous aurons une puissance qui nous permettra de faire face à tout – Christ et Christ seul.
            Ah, que nous puissions Le posséder, rechercher sa Parole, sa sainte volonté, son autorité, son honneur ; que tout soit centré sur Lui et provienne de Lui ; que le lien entre Lui et chacun de ses rachetés soit reconnu ; que nous ne cherchions qu’à refléter Christ, dans une vie brisée et dans le jugement de nous-même ! Puissions-nous désirer avoir l’honneur de représenter Christ, d’être remplis de Lui !

                           Du ciel Jésus viendra ; au ciel Il nous prendra :
                           
Vivons pour Lui.
                           
Il dit : « Je viens bientôt ». Gardons le bon dépôt.
                           
Veillons ; déjà la nuit pâlit et fuit.

            « Amen ; viens, Seigneur Jésus ! » (Apoc. 22 : 20).


D'après S. Ridout