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Voici l’homme (19)

« C’est accompli » (Matt. 27 : 47-50 ; Marc 15 : 35-36 ; Luc 23 : 45-46 ; Jean 19 : 28-30)

             L’œuvre de la croix offre encore un autre aspect qui, de tout temps, a rempli d’admiration ceux qui l’ont médité. C’est ce qu’exprime le cantique que nous aimons à chanter :

                        Tu vins du ciel t’offrir en sacrifice,
                        Et par toi seul Dieu fut glorifié :
                        Sa sainteté, son amour, sa justice,
                        Ta croix, Jésus, a tout magnifié.

                « Au sacrifice et à l’offrande de gâteau tu n’as pas pris plaisir : tu m’as creusé des oreilles ; tu n’as pas demandé d’holocauste ni de sacrifice pour le péché. Alors j’ai dit : Voici, je viens... C’est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir, et ta loi est au-dedans de mes entrailles » (Ps. 40 : 6-8). Telles sont les paroles que le Seigneur prononce par la bouche du Psalmiste. C’est dans cette disposition de cœur que le second Homme, venu du ciel, parut sur la scène où le premier homme, « tiré de la terre - poussière », s’était révélé incapable d’accomplir ne fût-ce qu’un seul commandement de Dieu. Animé du seul désir de faire « le bon plaisir » de Dieu, Christ « bien qu’il fût Fils, a appris l’obéissance par tout ce qu’il a souffert » (Héb. 5 : 8). Nous le voyons, « comme les jours de son élévation au ciel arrivaient à leur accomplissement, lui-même dressa sa face résolument pour aller à Jérusalem » (Luc 9 : 51), où « par l’Esprit éternel, il s’est offert lui-même à Dieu sans tache » (Héb. 9 : 14).          
            De même qu’il était, durant sa marche ici-bas, la vraie offrande de gâteau, puis, durant les heures ténébreuses de la croix, le parfait sacrifice pour le péché et pour le délit, il fut aussi le parfait holocauste, s’étant « livré lui-même pour nous, comme offrande et sacrifice à Dieu en parfum de bonne odeur » (Eph. 5 : 2).

            Dirigeons de nouveau nos regards vers Golgotha. C’est là que le Seigneur de gloire se livra entièrement ; là qu’Il accomplit tout ce qui était nécessaire pour la gloire de Dieu et notre salut éternel ; là qu’Il « dressa sa face comme un caillou », dans la conviction qu’Il « ne serait pas confondu » (Es. 50 : 7). Quel « sacrifice par feu, une odeur agréable à l’Eternel » ; quel holocauste unique et parfait ! (Lév. 1).

            C’est surtout l’évangile de Jean qui présente le sacrifice de Christ comme l’holocauste. Nous comprenons sans peine qu’alors le regard du Père reposât sans cesse avec délice sur son Fils bien-aimé. C’est pourquoi cet évangile ne parle ni des heures de ténèbres ni de l’abandon du Seigneur Jésus. Nous L’entendons déclarer au contraire : « Je ne suis pas seul, car le Père est avec moi (Jean 16 : 32). « Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que moi, je fais toujours ce qui lui est agréable » (Jean 8 : 29).

            « Après cela Jésus, sachant que tout était déjà accompli, dit - afin que l’Ecriture soit accomplie : J’ai soif » (Jean 19 : 28). « Ceux qui se tenaient là », ignorant tout sentiment de compassion, Lui offrent, pour apaiser sa soif ardente, le breuvage qu’on avait coutume de faire boire aux malfaiteurs crucifiés. Il n’est pas douteux que le cri du Seigneur « J’ai soif » doive être interprété d’abord dans son sens littéral. Mais - et combien cela est digne de remarque - Il ne le prononça que lorsqu’il sut « que toutes choses étaient déjà accomplies ».

            Toutefois, s’Il éprouvait les affres de la soif, combien plus ardente était la soif de son âme ! Avec quelle sainte hâte, en effet, contemplait-Il « la joie qui était devant lui » (Héb. 12 : 2) ! Ayant « livré son âme en sacrifice pour le péché », Il désirait ardemment voir « du fruit du travail de son âme » et s’en rassasier (Es. 53 : 10-11). Ainsi, à l’instant suprême, son amour dirigeait ses pensées vers ceux pour lesquels Il donnait sa vie.

            Mais il nous faut, une fois de plus, détourner nos regards de ce que le Seigneur a enduré pour nous et considérer son dévouement envers Dieu. En effet, ayant bu entièrement la coupe amère, quelle « soif » étreignait son cœur de « passer de ce monde au Père » (Jean 13 : 1) ! « Moi, je t’ai glorifié sur la terre... Et maintenant, glorifie-moi, toi, Père, auprès de toi-même, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût » (Jean 17 : 4-5). Tel était le vœu ardent que le Seigneur, anticipant l’heure de la croix, avait adressé à son Père. Et, se tournant vers les siens, Il souhaitait qu’ils partagent ses propres sentiments : « Si vous m’aimiez, vous vous seriez réjouis de ce que je m’en vais au Père » (Jean 14 : 28). Qui d’entre nous ne pourrait compatir quelque peu à cette « soif » de notre Seigneur ? « Ô Dieu ! tu es mon Dieu... mon âme a soif de toi, ma chair languit après toi, dans une terre aride et altérée, sans eau, pour voir ta force et ta gloire, comme je t’ai contemplé dans le lieu saint » (Ps. 63 : 1-2). « Comme le cerf brame après les courants d’eau, ainsi mon âme crie après toi, ô Dieu ! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. Quand viendrai-je et paraîtrai-je devant Dieu ? » (Ps. 42 : 1-2). Certes l’éponge remplie de vinaigre et mise au bout d’un roseau, sur de l’hysope (Matt. 27 : 48 ; Jean 19 : 29), ne pouvait apaiser cette soif-là, mais la rendait au contraire plus ardente encore.

            Mais ne pensons pas avoir atteint ainsi les ultimes profondeurs de cette cinquième parole du Crucifié, la plus brève de toutes. C’est, de nouveau, l’évangile de Jean qui la rapporte, celui où nous voyons le Seigneur dominer souverainement la souffrance et la mort, et manifester une gloire « comme d’un Fils unique de la part du Père » (Jean 1 : 14), une gloire qui brille de tout son éclat en dépit des sombres nuages de la haine et de la méchanceté de l’homme déchu. C’était la gloire de Celui qui avait dit : « Moi, j’ai une nourriture à manger que vous, vous ne connaissez pas... Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jean 4 : 32, 34). C’est pourquoi le Seigneur, sachant que toutes choses étaient déjà accomplies, prononça cette parole « afin que l’Ecriture fût accomplie » (Jean 13 : 18). Au moment où Il achève l’œuvre que le Père Lui a donnée à faire, Il jette pour ainsi dire un regard en arrière et constate que la prophétie devait être encore accomplie sur un point. En effet, pas un iota ni un trait de lettre de l’Ecriture ne pouvait tomber en terre (Matt. 5 : 18). « Ils ont mis du fiel dans ma nourriture » (Ps. 69 : 21) - cela avait eu lieu juste avant la crucifixion ; mais il manquait encore ceci : « ... et, dans ma soif, ils m’ont abreuvé de vinaigre » (Matt. 27 : 34).

            « Quand donc Jésus eut pris le vinaigre, il dit : C’est accompli. Puis, ayant baissé la tête, il remit son esprit » (Jean 19 : 30). Maintenant tout était terminé. Elle était achevée, « l’œuvre que le Père lui avait donnée à faire » (Jean 17 : 4). Qu’est-ce qui pouvait retenir encore le céleste Etranger sur cette terre ? Toutefois, avant de « remettre son esprit », Il proclame, à la face du monde, que son œuvre est achevée. Proclamation sublime par les résultats grandioses qu’elle implique ! « C’est accompli ! ». La volonté de Dieu, ses conseils éternels de grâce et de justice avaient été pleinement exécutés. L’œuvre par laquelle Dieu devait être glorifié et le pécheur, racheté, avait été conduite à son terme béni.

            Pour la première fois depuis la création, Dieu pouvait déclarer que « tout était très bon », que l’œuvre était parfaite. À peine avait-Il placé l’homme dans le jardin d’Eden, que celui-ci avait agi et tout gâté par sa désobéissance. Puis Dieu avait donné la Loi. N’était-elle donc pas « sainte, juste et bonne » (Rom. 7 : 12) ? Certes ! Mais, sous la Loi comme auparavant, l’homme, mis à l’épreuve, montra sa totale incapacité d’accomplir la volonté de Dieu. Aussi la Loi n’a-t-elle « rien amené à la perfection » et les « dons et les sacrifices » qu’elle prescrivait ne pouvaient rendre parfaits quant à la conscience ceux qui les offraient (Rom. 5 : 20 ; Gal. 3 : 24 ; Héb. 7 : 19 ; 9 : 9). Aujourd’hui encore, l’homme naturel aime à pratiquer une religion fondée sur les mêmes principes : tous ses efforts tendent à établir sa justice par ses œuvres et à se sauver lui-même. Mais ces œuvres charnelles sont parfaitement vaines et d’autant plus inacceptables que l’homme pécheur s’imagine pouvoir, par elles, s’approcher d’un Dieu juste et saint.

            Les ordonnances lévitiques n’apportaient donc ni pardon ni paix à celui qui s’approchait de Dieu. « Tout sacrificateur se tient debout chaque jour, faisant le service et offrant souvent les mêmes sacrifices qui ne peuvent jamais ôter les péchés ». Quel contraste avec ce qui suit : « Mais celui-ci (Christ), ayant offert un seul sacrifice pour les péchés, s’est assis à perpétuité à la droite de Dieu... Car, par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » (Héb. 10 : 11-14).

            Quand nous regardons à nous-mêmes, nous soupirons souvent après une réelle perfection. C’est en vain que nous la chercherons en nous ou autour de nous. Elle ne se trouve qu’à la croix de Golgotha. Là, Christ a accompli une œuvre parfaite et qui rend parfait ; une œuvre « faite une fois pour toutes » (Héb. 10 : 10), de sorte qu’elle n’a pas besoin d’être répétée ; une œuvre à laquelle on ne peut ni ne doit rien ajouter ; une œuvre que le Seigneur lui-même déclare « accomplie ».

            « C’est accompli ! ». Comme un cri de triomphe, ces mots ont retenti dans le silence du Calvaire, où venait de se livrer le combat le plus terrible qu’aient jamais enregistré les annales du ciel et de la terre. Dieu qui, jusque-là, avait gardé le silence, rendit, Lui aussi, témoignage à la perfection de cette œuvre, en déchirant le voile du temple - ouvrant ainsi l’accès jusqu’en sa sainte présence - en délivrant du tombeau plusieurs des saints endormis et en faisant jaillir le sang et l’eau du côté percé de Jésus (Matt. 27 : 51-53 ; Jean 19 : 31).

                         « C’est accompli ». L’œuvre de grâce est faite.
                         De la victoire enfin monte le cri.
                         Celui qui meurt ayant baissé la tête
                         A triomphé. C’est accompli.

                         Du haut en bas Dieu déchire lui-même
                         Le voile saint. Le chemin établi,

                         Nouveau, vivant, jusqu’au séjour suprême
                         Nous est ouvert. C’est accompli.

             « Et ayant crié d’une voix forte, Jésus dit : Père ! entre tes mains je remets mon esprit. Ayant dit cela, il expira » (Luc 23 : 46). Ce n’est pas de la crucifixion que le Seigneur est mort. Non, Il expira « ayant crié d’une voix forte » : avant Lui, comme après Lui, aucun crucifié n’est mort de cette manière. Pilate « s’étonna qu’il soit déjà mort » (Marc 15 : 44). Nous recevons, de la bouche du centurion, un témoignage irrécusable de cette mort étrange. Il « était là vis-à-vis de lui » et avait observé sur sa face sainte toutes les marques de la souffrance, toute la douleur de cette agonie. Bouleversé par une telle mort, ce légionnaire païen s’écrie : « Véritablement, cet homme était Fils de Dieu » (Marc 15 : 39). Il n’était pas le dernier que cette mort remplirait d’admiration.

            Combien est saisissante cette ultime révélation du « grand mystère de la piété » : « Dieu a été manifesté en chair » jusqu’au terme de sa vie ! (1 Tim. 3 : 16). Dieu et homme à la fois ! En vérité, cette scène nous révèle, et l’abaissement profond et la suprême grandeur de Celui qui était là, « pendu au bois ». S’Il « laissa sa vie pour ses brebis », « personne ne la lui ôta ». « Je la laisse de moi-même », avait-Il dit. « J’ai le pouvoir de la laisser, et j’ai le pouvoir de la reprendre : j’ai reçu ce commandement de mon Père » (Jean 10 : 15, 18). La tête haute, Il avait accompli l’œuvre jusqu’à son achèvement. Alors seulement, « ayant baissé la tête, il remit son esprit » (Jean 19 : 30), par un acte de sa volonté. Le verbe grec, traduit ici par « remettre », n’est pas celui qu’on trouve en Luc 23 : 46, mais bien en Eph. 5 : 2 (où il est traduit par « livrer »). Il n’est employé nulle part ailleurs à propos de la mort d’un homme, de sorte que l’usage qu’en fait Jean 19 : 30 dans ce sens est absolument unique dans l’Ecriture. Ce faisant, Il a été « obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix » (Phil. 2 : 8). 

            C’est ainsi que le Seigneur fut « ôté de l’angoisse et du jugement » (Es. 53 : 8). Il quitta cette terre, « prémices de ceux qui sont endormis » (1 Cor. 15 : 20), pour entrer dans un autre monde, dans une vie où ne se pose plus la grande question du péché. « Car en ce qu’il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché ; mais en ce qu’il vit, il vit à Dieu » (Rom. 6 : 10). « La mort qu’il devait accomplir à Jérusalem » était achevée. Il en avait fini pour toujours avec cette vie de souffrance où, pour nous amener à Dieu, Il avait été « l’Homme de douleurs ».

                         L’homme perdu, du fond de sa misère,
                         Voit le péché par Jésus aboli.
                         Pour en payer le terrible salaire,
                         Il a souffert. C’est accompli.

                         Des nouveaux cieux à la nouvelle terre
                         Tout chantera bientôt, d’amour rempli.
                         Louange à Dieu, gloire au Fils, gloire au Père !
                         A jamais tout est accompli.

 

D’après  von Kietzell Fritz  – « Messager Evangélique » (1970 p. 187-194)