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REVENEZ A MOI (6)

 

Histoire de Jérémie le prophète et des derniers rois de Juda

SEDECIAS L'INDECIS
            LES SIX JOUGS
            L'HOMME QUI BRISA LE JOUG
            LA LETTRE AUX BONNES FIGUES
            EZECHIEL, UNE TRES BONNE FIGUE
            JEREMIE SE TROMPAIT-IL PEUT-ETRE ?
            EN PRISON
           

 

SEDECIAS L'INDECIS

Nebucadnetsar emmena captif Jéhoïakin et mit à sa place Sédécias sur le trône de Juda. Sédécias - ou Matthania, comme l'avait appelé son père - était le plus jeune des enfants de Josias. Il avait dix ans le jour de Meguiddo. D'un cœur sensible, il n'avait ni fermeté ni énergie pour exécuter ses bonnes intentions. Bien différent de son père, il n'aurait jamais renversé un seul temple païen ou réduit en poussière une idole.
            « Semblable au flot de la mer, que le vent agite et soulève » (Jac. 1 : 6-7), Sédécias avait horreur de prendre une décision tout seul. Pourtant, jamais il ne demandait au Seigneur d'être son conseiller. Pauvre roi ! Partout, on trouve des hommes semblables à lui.

 

LES SIX JOUGS

Se soumettre à Babylone, tel fut de plus en plus le thème de la prédication de Jérémie. Nebucadnetsar est la verge de Dieu. C'est lui qui châtie Juda. L'Eternel lui a donné ce pays et d'autres encore, selon qu'il était bon aux yeux du Créateur. « Toutes les nations le serviront, lui, et son fils et le fils de son fils » (Jér. 27 : 7). Ceux qui refusent d'être les sujets de Babylone, le regretteront amèrement. Bon gré, mal gré, il faudra nécessairement supporter la domination de Nebucadnetsar.
            Pour montrer à son peuple l'attitude qu'il devait adopter à l'égard du vainqueur, Jérémie se rendit à l'atelier d'un charpentier pour y chercher des pièces de bois pour faire des jougs (v. 2) qu’il devait envoyer  au roi d'Edom, au roi de Moab, au roi des fils d'Ammon, au roi de Tyr et au roi de Sidon.
            Ce message leur était transmis : Mettez ce joug sur vos épaules. Soumettez-vous à Nebucadnetsar et tout ira bien, car la nation qui mettra son cou sous le joug du roi de Babylone, je la laisserai dans sa terre, dit l'Eternel. Malheur à vous, si vous méprisez cet avertissement. Jérémie ne cessa dès lors de presser ses auditeurs d'accepter la domination chaldéenne.

 

L'HOMME QUI BRISA LE JOUG

Un jour, notre prophète aperçut une grande foule dans le parvis du temple. Le son d'un discours parvenait à ses oreilles. Il pressa le pas pour découvrir quel était ce nouvel orateur.
            Hanania (Jér. 28 : 1), homme bien connu de Jérémie, haranguait le peuple. Personnage avide de popularité, il n'hésitait pas à faire des entorses à la vérité pour se faire valoir. Cependant il présentait les choses de façon si attrayante que personne n'avait mauvaise opinion de Lui.
            Le prophète entendit ces mots : « Ainsi a parlé l'Eternel » (v. 2). Dieu avait-Il adressé un message à cet homme qui mentait si souvent ? Chacun peut affirmer : Dieu m'a envoyé, sans que cela soit vrai.
            Hanania ne tarda pas à remarquer Jérémie. Plein de mépris pour lui, il affirma : Encore deux ans, et tous les ustensiles de la maison de l'Eternel emmenés à Babylone, tous les transportés qui y sont captifs avec Jéhoïakin, se rendront à Jérusalem (v. 3).
            La joie se lisait sur tous les visages : deux ans ne valaient-ils pas mieux que soixante-dix ? Plein de tristesse, Jérémie promena ses regards tour à tour sur le faux prédicateur et sur la foule ravie.
            Dieu veuille qu'Hanania ait raison, dit-il, toutefois le temps révélera lequel de nous deux dit la vérité. Comme il achevait de parler, son adversaire furieux se précipita sur lui et, arrachant le joug, il le brisa.
            Un silence profond régna. Hanania clama, tout frémissant : « Ainsi dit l'Eternel : encore deux années, et je briserai ainsi le joug de Nebucadnetsar, roi de Babylone, de dessus le cou de toutes les nations » (v. 11).
            Découragé, Jérémie s'en alla son chemin, accablé en considérant l'inutilité de ses nombreuses prophéties. Mais Dieu parla à son cœur abattu : Retourne sur tes pas et dis à Hanania que les jougs de bois se brisent facilement, mais ma parole ne peut être brisée. Israël servira Babylone sous un joug de fer.
            Le serviteur de l'Eternel se hâta d'obéir. D'une voix assurée, il s'adressa au nouveau prophète que le peuple entourait encore : « Ecoute, Hanania ! L'Eternel ne t'a point envoyé ; mais tu as fait que ce peuple s'est confié au mensonge… Tu mourras cette année, car tu as parlé de révolte contre l'Eternel » (v. 15-16).
            Hanania mourut cette année-là (v. 17). Ainsi les auditeurs de ses prédications ne pouvaient s'excuser en aucune manière de l'avoir cru le jour où, brisant le joug, il s'était écrié « deux ans » au lieu de « soixante-dix ».

 

LA LETTRE AUX BONNES FIGUES

Jérémie savait qu'à Babylone se trouvaient des hommes semblables à Hanania qui feraient tout leur possible pour tromper les captifs par cette promesse : Dieu vous ramènera bientôt à Jérusalem.
            Souvent, par la pensée, il se trouvait dans la grande ville des Chaldéens ; il désirait avertir les « bonnes figues » de ne pas croire que la captivité durerait moins de soixante-dix ans.
            Un jour, l'occasion se présenta de leur faire parvenir une lettre (Jér. 29 : 1). Le roi de Juda envoyait Elhasça et Guémaria porter une requête à son dominateur. Or Elhasça était le fils de Shaphan, et Guémaria, probablement, le frère de Jérémie. Sédécias était assez habile pour prévoir que ces deux hommes auraient plus d'influence que d'autres sur le vainqueur, puisqu'ils approuvaient la politique de soumission préconisée par le prophète. Nebucadnetsar était, en effet, au courant de tous ses avertissements.
            Jérémie s'assit, et le cœur encore plein des mensonges d'Hanania, écrivit : Ceux qui vous conseillent de ne pas vous établir pour une longue durée dans votre pays d'exil, ne les écoutez pas ! Bâtissez des maisons, plantez des arbres, faites tout pour le bien de la ville où Dieu vous a placés. Priez pour elle, car dans sa paix sera votre paix. Babylone sera votre demeure pendant soixante-dix ans, soyez-en persuadés ; mais, au bout de ce temps, Dieu vous fera certainement revenir en ce lieu (v. 8-14).
            Jérémie termina sa lettre, la data de Jérusalem, et l'adressa aux « bonnes figues » ; elle partit pour Babylone.
            La première personne qui la lut fut certainement Daniel. Environ douze ans s'étaient écoulés depuis qu'il avait quitté Jérusalem. Imaginez l'accueil qu'il fit à ses deux vieux amis et de combien de messages il les chargea pour Jérémie ! La joie de l'exilé à la lecture de la lettre fut loin d'être partagée par tous les captifs.
            Shemahia, personnage ressemblant beaucoup à Hanania, prit connaissance de l'écrit avec une vive indignation. Alors que lui s'efforçait de persuader les déportés de ne pas se résigner à leur bannissement, un de ses compatriotes donnait des exhortations exactement contraires. Qu'à cela ne tienne ! Il savait écrire aussi bien que Jérémie. Il se mit alors à rédiger une lettre destinée au souverain sacrificateur et à tous ceux qui sont à Jérusalem.
            Voici son contenu : A quoi bon être sacrificateur, Sophonie, si tu laisses en liberté un prophète qui fait l'inspiré. Ton devoir est de le jeter en prison, de le mettre au bloc et au carcan. Ignores-tu que Jérémie d'Anathoth nous a envoyé un message ridicule ? Il nous prédit un séjour à Babylone de soixante-dix ans ! Il nous engage à construire des maisons, à planter des arbres ! Pourquoi lui permets-tu de parler ainsi ? Quelle influence néfaste sur le peuple exilé, qui perdra tout intérêt pour Jérusalem ! Bientôt nous ne pourrons plus le déterminer à y retourner.
            Shemahia scella sa lettre, très satisfait, croyant fermer à jamais les lèvres du serviteur de l'Eternel. De retour en Juda, Guémaria remit ces lignes au souverain sacrificateur ; mais le peuple n'en eut jamais connaissance, car Sophonie les porta tout droit à Jérémie ; au lieu de le mettre en prison, il lut cette lettre à ses oreilles.
            Le prophète n'attendit pas longtemps pour écrire à Shémahia une réponse dont le sens était des plus clairs. La voici : « Ainsi dit l'Eternel… je punirai Shemahia » (v. 32).  Lui et toute sa famille mourront avant que les soixante-dix ans soient accomplis ; pas un de ses descendants ne reviendra à Jérusalem.
            Shemahia était devenu une de ces figues affreuses, bonne à jeter loin.

 

EZECHIEL, UNE TRES BONNE FIGUE

S'il y eut à Babylone des hommes prompts à enseigner des erreurs, Dieu ne laissa pas les captifs sans un prédicateur de justice (Ezé. 1). Ezéchiel était un croyant selon le cœur de l'Eternel. Pour qu'il puisse étudier la Bible, Dieu inclina le cœur de Nebucadnetsar à le bien traiter, à lui donner une maison près du fleuve. Peut-être était-ce Daniel qui avait demandé cette faveur pour son ami ?
            Ezéchiel habitait depuis cinq ans dans sa maison au bord de la rivière, quand son Maître s'adressa à lui, comme à Jérémie. Il lui dit : Va et parle aux captifs de ma part (Ezé. 3).
            Le futur serviteur de l'Eternel avait sans doute vu et écouté, à maintes reprises, les leçons de notre prophète à Jérusalem. Maintenant, la tâche lui incombait d’instruire les déportés de la même manière.
            En premier lieu, Dieu voulait les enseigner au sujet du prochain siège de la Cité de David. Si on leur dépeignait les horreurs de cette guerre imminente, une étincelle de gratitude jaillirait dans leur cœur pour avoir échappé à une telle catastrophe. Simplement leur en parler eût été peine perdue. Jérémie l'avait fait, mais n'avait pas été écouté. Aussi Ezéchiel dut-il se procurer une brique plate, pour y faire un dessin représentant Jérusalem assiégée. Travail facile pour ce serviteur, car il s'y connaissait en plans et mesures. Il fit donc une magnifique reproduction de la ville entourée de murailles et ornée du temple en son milieu. On distinguait nettement les tours construites de tous côtés par l'ennemi, une terrasse, des béliers et, plus loin, les camps de Nebucadnetsar.
            Le tableau achevé, Ezéchiel devait faire semblant d'être lui-même assiégé dans Jérusalem. Quatre cent trente nuits ; quatre cent trente jours, il mangea du pain et but de l'eau en quantité rationnée, comme le peuple serait forcé de le faire six ans plus tard, quand le siège aurait réellement commencé. Tout enfant pouvait comprendre, en voyant l'image, quelle leçon s'en dégageait, leçon de reconnaissance pour avoir été dispensé d'une si terrible expérience. Ce ne fut qu'un des nombreux enseignements qu'Ezéchiel dut donner aux captifs.
            Un autre jour, le prophète reçut l'ordre de se raser la tête avec un rasoir de barbier, puis de peser ses cheveux et d'en faire trois parts. Il devait brûler la première, hacher la deuxième avec un couteau, disperser au vent la troisième, et en attacher soigneusement un tout petit reste dans les pans de sa robe. C'était une illustration des malheurs qui atteindraient le peuple laissé à Jérusalem ; les uns périraient dans le siège de la ville, d'autres seraient tués par l'épée, d'autres encore dispersés ici et là, tandis qu'un petit nombre seulement serait épargné.
            Les captifs reçurent une autre leçon au sujet de leurs compatriotes, mais, lents à comprendre, ils ne saisissaient qu'ici un peu, et là un peu ; il fallait leur enseigner ligne sur ligne comme à de petits enfants.
            Ezéchiel leur fut donc envoyé pour simuler un départ. En plein jour, sous leurs yeux, il dut faire des préparatifs de voyage. Puis il reçut l'ordre, à la tombée de la nuit, de percer un trou dans le mur de sa maison. Il devait agir secrètement et en toute hâte, comme si sa vie était en jeu. Puis, dans l'obscurité, la face couverte et les épaules chargées, il devait se glisser par l'ouverture qu'il avait pratiquée dans la paroi et prendre la fuite.
            Les captifs le regardaient étonnés, lui demandant : Que fais-tu ?  Il ne pouvait leur répondre tout de suite, ignorant lui-même la portée de ses actes. Le matin suivant, Dieu lui donna des explications : Sédécias devrait agir comme Ezéchiel. Une nuit viendrait où il percerait le mur et s'enfuirait secrètement ; en outre, pour cacher sa royauté, il devrait se couvrir la figure et porter son bagage sur l'épaule comme un simple particulier. Cependant, en dépit de l'obscurité et de son déguisement, il serait pris et amené à Babylone. Dieu révéla à Ezéchiel une chose étonnante : Sédécias ne verra pas Babylone et pourtant, il y mourra.
            Le serviteur de l'Eternel ne demanda pas « comment ? » à la manière d'Habakuk. Il se rendit aussitôt vers les captifs et leur communiqua les pensées de Dieu. Mais eux dirent : « Comment ? » et ajoutèrent : « Nous sommes sages et ne croyons pas les prédictions obscures ».

 

JEREMIE SE TROMPAIT-IL PEUT-ETRE ?

Six ans plus tard, Jérusalem fut effectivement assiégée par Nebucadnetsar.
            Sédécias, selon son caractère impulsif, eut un jour l'idée subite d'envoyer un messager à Jérémie pour lui demander de prier afin que l'ennemi cruel soit chassé du pays.
            Jérémie savait d'avance la réponse. Néanmoins, il implora son Dieu. Recevoir toujours le même message n'était pas du goût du roi. Jérémie lui répéta, dans les termes les plus clairs, que Nebucadnetsar entrerait dans la ville ; il ne fallait compter sur aucune pitié de la part de l'ennemi. Un seul moyen de salut restait au roi et à son peuple : se rendre tout de suite était le chemin de la vie, mais résister, le chemin de la mort.
            Sédécias désirait parfois marcher dans le chemin de la vie, mais, le plus souvent, il préférait suivre son propre chemin. Cependant Jérémie ne cessa de supplier le roi afin qu'il se soumette au joug de Nebucadnetsar, mais il n'écouta point, ni ses serviteurs, ni le peuple du pays.
            Il envoya, en secret, des messagers en Egypte, demander au Pharaon - Hophra - de l'aider. Or il avait solennellement promis, quand Nebucadnetsar l'avait couronné, de ne jamais faire une telle alliance.
            La ville menacée se reprit à espérer quand cette nouvelle arriva : l'Egypte s'est montrée à la hauteur des circonstances. L'armée du Pharaon est en chemin pour nous secourir.
            Mais Dieu se souvenait du jour où Sédécias avait juré à Nebucadnetsar et avait donné sa main pour sceller sa promesse de ne jamais aller chercher du secours en Egypte. Celui qui fait de telles choses prospérera-t-il ?
            « Non, dit l'Eternel, l'armée du Pharaon, qui est sortie à votre secours, retournera dans son pays d'Egypte et l'ennemi cruel prendra Jérusalem ». Jérémie répéta cette prédiction au roi.
            Le visage de Sédécias s'assombrit un instant ; mais, par la fenêtre, il regarda ses soldats ; il pensa à la grande armée qui s'avançait pour le protéger ; il résolut de ne pas se laisser effrayer, et de ne pas se rendre, comme l'aurait voulu ce prophète insensé.
            La plus dure épreuve frappa alors Jérémie. L'espoir de Sédécias se réalisa ! Hophra arriva, Nebucadnetsar battit en retraite à cause de l'armée du Pharaon.
            Que pouvait maintenant dire l'homme de Dieu ? Malgré tout, il répéta le même avertissement : « N'abusez point vos âmes, l'ennemi reviendra et brûlera cette ville par le feu ».   Des quolibets accueillirent ces déclarations, et la ville se remit à ses affaires, comme si aucune menace ne planait sur elle.

           

EN PRISON

Harcelé par les suggestions de Satan, Jérémie descendait, le cœur gros, les rues étroites menant à la porte de Benjamin. Il soupirait après la paix de la campagne. Peut-être avait-il l'intention de se promener dans les champs ? Désireux de parler à Dieu, seul à seul avec Lui, il avait besoin de se retirer dans un lieu désert, à l'écart. En outre, il voulait saisir l'occasion pour faire des provisions.
            A la porte, le capitaine Jirija, petit-fils d'Hanania, montait la garde. Le prophète s'avançait lentement, sans aucun soupçon.
            Comme il pénétrait sous la voûte, une main rude se posa sur son épaule. « Tu es pris maintenant », dit le jeune homme, « au moment où tu vas te rendre à l'ennemi, traître ! »
            « C'est un mensonge », répliqua Jérémie avec véhémence. Mais toutes ses protestations furent inutiles. Jirija ne voulut rien entendre. Il se borna à conduire aux princes son prisonnier qui, sans un ami pour le soutenir, fut cruellement battu et jeté en prison.
            Jérémie avait donné au peuple resté à Jérusalem le nom de « mauvaises figues ». Il faisait maintenant l'amère expérience de leur qualité !
            Le roi aurait pu intervenir, mais il craignait les responsabilités. En outre, à ce moment-là, Jérémie ne jouissait d'aucune popularité. Or Sédécias se tenait de préférence du côté des personnages qui bénéficiaient de la faveur publique. Aussi lorsque les princes dirent : « Qu'on fasse donc mourir cet homme » (38 : 4), répondit-il lâchement : « Voici, il est entre vos mains ». Ils n'attendirent pas que leur souverain eût changé d'idée, mais ils se hâtèrent de jeter leur victime dans une affreuse fosse, vieux puits creusé dans la cour de la prison, profond et humide. On se munit de cordes et on descendit le malheureux prophète dans la citerne. Il n'y avait point d'eau au fond, mais une boue épaisse et noire.
            Jérémie s'enfonça dans la vase ; son cœur défaillit. Il eut faim. Une pierre lui fut jetée en guise de pain. La soif le torturait. Une masse d'eau coula sur sa tête. Il poussa un cri de détresse qui monta de la fosse des abîmes jusqu'au ciel même. L'Eternel entendit sa voix, s'approcha à son appel et dit : « Ne crains pas ». Jérémie oublia la boue et les ténèbres ; il se mit à compter les bienfaits de Dieu.
            Or, dans la maison du roi, vivait un serviteur noir appelé Ebed-Mélec. Bien souvent, il avait entendu les exhortations du prophète ; il frémissait à la seule pensée du pot bouillant qui allait se renverser. Il ne se bouchait pas les oreilles en répétant : « Je ne crois pas ». Au contraire, il était sûr que les paroles de Dieu s'accompliraient. En outre, il apprit ceci : un Ethiopien ne peut pas changer sa mauvaise nature pas plus que la couleur de sa peau. Mais Dieu lui donnerait un cœur nouveau et un esprit nouveau et le compterait au nombre de Ses enfants. Aussi Ebed-Mélec mit-il toute sa confiance en l'Eternel. Son visage était noir, mais son âme pure ; il remerciait Dieu chaque jour d'avoir envoyé Jérémie pour lui annoncer ces vérités. Il put à peine en croire ses oreilles quand il apprit qu'ils avaient mis Jérémie dans la fosse
            Le roi n'était pas au palais quand Ebed-Mélec fut informé du sort de son ami. Brûlant d'indignation, il courut à la recherche de Sédécias. Quand il fut en face de son maître, un flot de paroles s'échappa de ses lèvres. Il fallait lui arracher l’autorisation de délivrer Jérémie ; chaque minute comptait.
            Sédécias avait été influencé par les ennemis du prophète. A l'ouïe des paroles du noir, il modifia de nouveau son attitude à l'égard de l'homme de Dieu. Il commanda : « Prends d’ici trente hommes… et fais monter Jérémie de la fosse » (v. 10), chuchota-t-il d'une voix craintive, jetant autour de lui des regards inquiets.
            Avant que le roi puisse retirer ses paroles, l'Ethiopien était parti pour rassembler sa petite troupe. Les trente hommes sous ses ordres envahirent bientôt les resserres du roi à la recherche de vieux lambeaux d'étoffe et de haillons.
            Jérémie, enfoncé dans la vase, fut arraché à ses sombres méditations par deux ballots de vêtements usagés qui descendaient en se balançant le long des parois du puits. En levant bien haut les yeux, il aperçut une paire de mains qui retenaient les cordes. Puis un visage noir parut au-dessus de la fosse : « Jérémie », cria une voix angoissée, « es-tu toujours en vie ? Mets ces vieux lambeaux et ces haillons sous les aisselles de tes bras, sous les cordes, afin que nous puissions te délivrer ».
            Le prophète fit ainsi. Les trente hommes tirèrent de toutes leurs forces. La fosse et ses horreurs étaient oubliées, la victime hors du puits de la destruction, hors d'un bourbier fangeux.
            Jérémie fut heureux de revoir la lumière du soleil, heureux de sentir la chaude poignée de main de son ami noir ; mais il était heureux aussi d'avoir été descendu dans le puits, car là, il avait appris des leçons qu'il n'aurait jamais saisies ailleurs. Quand il rencontrerait une personne dans l'épreuve, il pourrait la consoler par la consolation dont il avait été lui-même consolé de Dieu.
            Gardé prisonnier, il reçut la permission d'aller et venir, de recevoir des visites dans la cour de la prison.
            Un jour, Ebed-Mélec s'y rendit ; il apprit que Dieu avait parlé de lui à son ami.
            Personne assurément ne se doutait que le noir vivait dans la terreur. Il craignait d'être fait prisonnier par le roi de Babylone, et dans ses rêves il voyait des épées, des lances et d'horribles tortures.
            Dieu le savait. C'est pourquoi Il envoya du ciel à Jérémie un message spécial : « Ainsi dit l'Eternel... tu ne seras point livré en la main des hommes dont tu as peur ; car certainement je te sauverai... car tu as eu confiance en moi » (39:  16-18).
            Cette promesse aurait dû mettre fin aux cauchemars de l'Ethiopien, à tous ses doutes, à toutes ses craintes ; mais même les grandes personnes se tourmentent facilement en songeant à l'avenir, bien que Dieu ait promis solennellement de prendre soin d'elles, de ne jamais les abandonner. Or Ebed-Mélec était une grande personne.

                                                D'après Lettice Bell – « The boiling cauldron »

 

 

 

A suivre