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A QUOI BON CETTE  PERTE ?
 
 
            « En vérité je vous dis : en quelque lieu que cet évangile soit prêché dans le monde entier, on parlera aussi de ce que cette femme a fait, en mémoire d'elle » (Marc 14 : 9).
 
            A Jérusalem, Jésus est rejeté et haï par les principaux sacrificateurs et les anciens du peuple. Ils s'assemblent dans le palais du souverain sacrificateur Caïphe et tiennent conseil ensemble pour se saisir de lui par ruse et le faire mourir. Mais à Béthanie se déroule une scène bien différente, la dernière halte pour Christ avant que ne sonne l'heure de son grand sacrifice. Il se trouve parmi d'humbles fidèles ; là, il reçoit l'accueil, l'amour et même l'adoration qui lui revient. Il n'a plus de place dans le temple mais il est reçu dans la maison de Simon le lépreux. La lèpre ! Cette maladie repoussante, qui brise toutes les relations familiales et sociales, est une figure du péché. Peut-être ce Simon était-il celui qui s'était prosterné devant Jésus, au moment où il descendait de la montagne, en disant : « Si tu veux, tu peux me rendre net ». Et Jésus, étendant sa main pour le toucher, avait répondu : « Je veux, sois net ». Alors, « aussitôt il fut nettoyé de sa lèpre » (Matt. 8 : 1-3). 
            Ces personnes avaient sans doute peu de ressources ; cette maison n'avait pas le faste de celle du pharisien, avec ses serviteurs (Luc 7 : 36). Pourtant, « on lui fit donc là un souper » (Jean 12 : 2). Alors que la royauté est refusée à Jésus, un parfum de grand prix va être répandu sur sa tête (une figure de l'onction royale - Matt. 26 : 7 ; Marc 14 : 3) et sur ses pieds (Jean 12 : 3). Il ne s'agit pas d'une fête pour Lazare le mort, ressuscité depuis peu, présent mais silencieux. Ce souper a été préparé en l'honneur de Jésus (on lui fit…) : il est le centre de cette compagnie. Marthe sert paisiblement : son activité est maintenant parfaitement à sa place, en contraste avec son attitude dans une occasion précédente (Luc 10 : 40).
            Marie, car c'est bien d'elle qu'il s'agit (Jean 12 : 3), prend un vase d'albâtre contenant une livre de nard pur, le brise et le répand sur le Seigneur. Plus personne ne se servira de ce vase. C'était certes un parfum de grand prix, mais quelle valeur immense représentait-il premièrement pour le coeur du Sauveur ! Aux yeux de Marie, rien n'était trop précieux pour le Seigneur. Elle essuie ensuite les pieds de Jésus avec ses cheveux : elle emporte ainsi avec elle, partout où elle va, un peu de cette excellente odeur (2 Cor. 2 : 14). Ce parfum est pénétrant, il s'exhale et toute la maison en est envahie, de sorte que chacun le respire. C'est une image de l'adoration exprimée en commun par les rachetés reconnaissants. Lorsque nous sommes réunis, si un racheté a dans son coeur un peu de ce précieux nard pour adorer le Seigneur, sans même peut-être qu'il prononce une parole, le culte en est imprégné. « Pendant que le roi est à table, mon nard exhale son odeur » (Cant. 1 : 12). Le nard suggère plutôt notre appréciation personnelle de Christ, sous l'effet de l'action du Saint Esprit agissant en nous. Cette femme discerne et honore le Messie d'Israël. Si nous réalisons qu'il n'y a pas dans nos coeurs une haute appréciation du Seigneur, il faut nous demander quels en sont les motifs.
            Il est relativement facile de chanter : 
                        Remplis-nous de ferveur pour mettre à ton service
                        Nos jours, nos biens, nos corps, nos coeurs.
            Cependant, nous sommes appelés à réaliser que nous lui appartenons entièrement. Dans son amour, le Seigneur emploie d'ailleurs différents moyens pour réveiller les affections de nos coeurs pour lui. D'où cet ordre de sa part : « Réveille-toi, nord, et viens, midi ; souffle dans mon jardin, pour que ses aromates s'exhalent » (Cant. 4 : 16) ! Nous n'aimons pas le vent du Nord et nous cherchons à l'éviter. Souvenons-nous de ce que l'apôtre Paul écrivait au sujet des saints de Macédoine : « Dans une grande épreuve de tribulation, l'abondance de leur joie et leur profonde pauvreté ont abondé dans la richesse de leur libéralité » (2 Cor. 8 : 2). « C'était un parfum de bonne odeur, un sacrifice acceptable, agréable à Dieu » (Phil. 4 : 18). Au chapitre 11 de l'évangile de Jean, le vent du nord avait soufflé avec violence sur cette maison de Béthanie. Le Seigneur s'était fait attendre et la maladie du frère de Marthe et de Marie s'était aggravée. « Lazare, notre ami est mort mais je vais pour l'éveiller », avait dit le Seigneur aux disciples. Il avait précisé que cette épreuve était « pour la gloire de Dieu » (Jean 11 : 4). C'est lui qui guérit ceux qui ont le coeur brisé et qui bande leurs plaies (Ps 147 : 3). Jésus vient à Béthanie, et devant la grande douleur des soeurs de Lazare, ému de compassion, il pleure avec elles. Puis, il se manifeste comme la résurrection et la vie : « Lazare, dehors ! ».
           Et à présent Marie est prête à rafraîchir le Seigneur, très peu de temps avant la croix ! Lui seul peut comprendre et apprécier son acte. Et du moment qu'il y trouve du plaisir, personne n'a le droit de donner du déplaisir à cette femme !
            Les hommes de ce monde n'éprouvent  rien d'autre que du mépris et de l'incompréhension pour une telle adoration. Judas, malgré plusieurs années passées dans la précieuse compagnie du Seigneur, est resté incrédule. Quel avertissement pour tous ceux qui font partie de la troupe des voyageurs sans avoir pour autant reçu la vie éternelle. Les pensées de Judas  ressemblent à celles de Festus. Ce dernier, appelé à expliquer devant le roi pourquoi Paul est retenu prisonnier, emploie pour parler du Seigneur des termes péjoratifs : « un certain Jésus mort, que Paul affirmait être vivant » (Act. 25 : 19). Judas, lui, avait été longtemps en contact avec les choses saintes, mais elles étaient restées sans effet sur sa conscience et sur son coeur. Celui-ci s'était  rapidement endurci, jusqu'au moment où « Satan entra en lui » (Luc 22 : 3). Judas aura du remords mais pas de repentance !
            La Parole de Dieu met ici à nu les vrais motifs de Judas Iscariote, fils de Simon, qui allait le livrer. « Pourquoi ce parfum n'a-t-il pas été vendu trois cents deniers et donné aux pauvres ? », déclare-t-il. L'évangile de Jean précise : « Or il dit cela, non parce qu'il se souciât des pauvres, mais parce qu'il était voleur, et qu'il avait la bourse et portait ce qu'on y mettait » (Jean 12 : 4-7). Déjà le Seigneur avait averti les siens : « N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les douze, et l'un d'entre vous est un diable » (Jean 6 : 70-71). Une scène de ténèbres va suivre immédiatement celle qui retient présentement notre attention : Judas trahit son Maître et reçoit son salaire : trente pièces d'argent, le prix d'un esclave. Le prophète Zacharie l'appelle par avance, non sans ironie, un prix magnifique, parce que c'était celui auquel le fils de Dieu allait être estimé (Zach. 11 : 13) !
 
            Mais il est encore plus triste de lire que « les disciples » voyant Marie répandre le parfum sur la tête de Jésus « en furent indignés » (Matt. 26 : 8). Ils disent : A quoi bon cette perte, ce gaspillage ! L'égoïsme et l'avarice sont toujours latents dans nos coeurs, et prêts à se montrer dans toute leur bassesse : il n'est donc pas surprenant que les propos de Judas excitent leurs tendances charnelles (Luc 12 : 15) ! Remarquons que ce sont les hommes qui évaluent facilement, du fait de l'habitude, la valeur de l'offrande de Marie. Prenons garde ! Nous avons si vite fait de tout ramener à une affaire d'argent ! Et « il y a mille choses dans ce monde dont le coeur humain ne peut se passer, à moins qu'il ne soit fortement attaché à Jésus » (JND). Cette livre de nard représentait une année de travail : cette femme avait certainement atteint l'extrême limite de ses possibilités ! De même la veuve qui avait jeté, sous le regard vigilant du Seigneur, ses deux pites au trésor du temple, avait, elle aussi, donné toute sa subsistance à Dieu, dans l'élan de ses affections (Marc 12 : 43). En considérant l'acte de chacune de ces femmes, ne pouvons-nous pas dire comme l'apôtre Paul à propos  des Macédoniens : ils ont agi  « selon leur pouvoir (j'en rends témoignage) et au-delà de leur pouvoir » (2 Cor. 8 : 3) ? Et l'apôtre explique ensuite d'où vient une si belle conduite : « Ils se sont donnés premièrement eux-mêmes au Seigneur » (2 Cor. 8 : 5). Selon l'estimation de beaucoup de personnes dans ce monde, même chrétiennes, se mettre ainsi entièrement à la disposition de son Seigneur peut sembler une folie. C'est vraiment aller trop loin, c'est du mysticisme ! dira-t-on. A ce sujet, on peut se souvenir du frère William Kelly que Dieu avait particulièrement doué. Il aurait pu occuper sans difficulté un des postes de commande de son pays. Aussi quelqu'un, lui reprochant d'avoir une vision du christianisme trop rétrécie, l'encourageait à faire enfin valoir ses capacités pour le bien de ses compatriotes. La réponse fut simple et sans appel : « Pour quel monde ? ». Dans un tel chemin de dévouement complet à Celui qui seul en est digne, l'incompréhension et l'opprobre ne sauraient manquer. Mais quelle consolation pour une âme fidèle, décidée à vivre exclusivement pour Christ, de lire les déclarations de l'Ecriture : « En ce que vous avez part aux souffrances de Christ, réjouissez-vous….si vous êtes insultés pour le nom de Christ, vous êtes bienheureux, car l'Esprit de gloire et de Dieu repose sur vous » (1 Pier. 4 : 13-14).   
 
            Ainsi, même dans cette maison de Béthanie où Marie vient de répandre un si grand parfum, il y a aussi ceux qui s'indignent ! Et c'est d'autant plus humiliant qu'il s'agit ici de vrais disciples ! Peut-être pensaient-ils : Qu'on verse sur Lui, à la rigueur, une ou deux onces de parfum, on pourrait comprendre, mais une livre de nard pur, quelle folie ? Et « ils la reprenaient vivement ». Mais, en pensant et en agissant ainsi, ils dépréciaient le Seigneur et montraient qu'il avait après tout bien peu de place dans leur coeur (Marc 14 : 5) ! Hélas, peu après, nous lisons à leur sujet : « tous Le laissèrent et s'enfuirent » (Marc 14 : 50).
 
            Les critiques ne manquent pas à l'égard des adorateurs, elles proviennent même souvent de certains croyants qui placent la bienfaisance (Marc 14 : 5) ou la prédication de l'évangile au premier plan de l'activité chrétienne. En revanche, ils attribuent peu d'importance à un acte d'adoration qui donne toute la place à Christ ! Il faut se garder de négliger l'évangélisation (1 Cor. 9 : 16) et se montrer généreux (Héb. 13 : 16), mais ne perdons pas de vue que la louange est notre premier devoir envers Dieu. Nous avons l'approbation du Seigneur quand nous remplissons avec un esprit brisé (dont ce vase d'albâtre est ici le symbole) le saint service de l'adoration, le seul qui soit directement envers Lui, un service dès aujourd'hui et pour l'éternité. Attention ! Il peut y avoir beaucoup d'activité dans le service, mais si Christ n'en est pas le mobile, tout cela sera de peu de valeur dans le jour à venir.
            Ecoutons la voix de Jésus : « Laissez-la ; pourquoi lui donnez-vous du déplaisir ?….ce qui était en son pouvoir, elle l'a fait » - c'était un très grand éloge - ; « elle a anticipé le moment d'oindre mon corps pour ma sépulture » (Marc 14 : 6-8). Assise aux pieds du Seigneur, cette femme avait reçu, dans la joie ou dans les pleurs, assez de discernement spirituel pour saisir tout ce qui se préparait ! Loin de nous la pensée d'encourager l'inactivité ! Mais il semble que Marue était la seule à avoir compris ce que le Seigneur avait dit plusieurs fois touchant sa mort prochaine. On a pu dire que chez elle « la grâce et l'amour de Jésus avaient produit en retour de l'amour pour Lui, et que la parole de son Maître avait produit de l'intelligence spirituelle ».
            Cette noble action de Marie aura sa récompense, même dès ici-bas. Le Seigneur lie son acte de ferveur à la prédication de l'Evangile qui doit être faite en tout lieu. « Dans le monde entier on parlera aussi de ce que cette femme a fait, en mémoire d'elle » (Marc 14 : 9). Ce sera un mémorial très vivant de son amour !
 
            La première question que doit se poser un racheté n'est-elle donc pas celle-ci : Le Seigneur est-il satisfait, peut-il me voir assis à ses pieds ou occupé à oindre sa tête ?
            Durant l'éternité, Il verra ce que son coeur réclame, le fruit mûr et parfait de son oeuvre à la croix ; mais quelle  joie pour Lui de voir présentement l'un des siens se dépenser entièrement pour Lui plaire et l'adorer !
 
                                                                       Ph.L. 8.6.06
  
 
                        Etre à tes pieds comme Marie, laissant les heures s'écouler
                        Dans un silence qui s'oublie, Jésus, pour te laisser parler.
 
                        Sur tes pieds saints, à ta louange, répandre, ô Sauveur méprisé,
                        Le parfum pur et sans mélange d'un vase d'albâtre brisé.
 
                        Culte béni d'un coeur qui t'aime, encens dont le ciel est rempli,
                        Gardé pour le moment suprême de ton sacrifice accompli.